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lourdes et les goudrons qui sont produits par les usines à gaz. Les Anglais ont fait leurs principaux essais à l’arsenal de Woolwich et dans une usine privée de Lambeth, l’un des quartiers industriels de Londres. A Woolwich, le pétrole brûlait à la surface d’un vase poreux ; ce procédé, entre autres inconvéniens, présentait des dangers : la paroi poreuse du vase pouvait à un moment donné devenir un rempart bien insuffisant entre l’approvisionnement de pétrole et la flamme. La moindre communication eût déterminé une explosion. A Lambeth, le liquide était, au moyen de vapeur surchauffée, injecté dans un foyer ordinaire ; l’air nécessaire à la combustion pénétrait par une foule de petits trous percés dans la porte de la boîte à feu. Ce second procédé, qui fut aussi expérimenté à Woolwich l’année dernière, a sur le premier une supériorité réelle ; mais il donne lieu à des pertes de chaleur considérables. D’abord il produit une dépense directe de vapeur, ensuite et surtout il entraîne la décomposition de cette vapeur dans le foyer, décomposition qui absorbe une quantité de chaleur notable. Du reste, à Woolwich comme à Lambeth, il s’agissait de brûler moins le pétrole proprement dit que les huiles de schiste indigènes obtenues par la distillation du bog-head, du cannel-coal et de certains schistes très riches du Lanarkshire.

Les essais des Américains ont été plus nombreux et plus concluans. Ils ont porté non-seulement sur les chaudières fixes des usines, mais encore sur celles des locomotives, des bateaux à vapeur, des dummy-engines[1], des fours de boulanger, des pompes à incendie. Sur ces dernières, la substitution du pétrole au charbon paraît offrir des avantages qui en généraliseraient promptement l’application. Un incendie dans l’une des rues de Boston a permis aux nouvelles pompes de faire leurs preuves d’une manière assez brillante pour que les autorités municipales aient ordonné l’installation de plusieurs autres appareils semblables. Une pompe à feu chauffée au pétrole arriva sur le lieu du sinistre à toute vitesse ; en quelques minutes, la pression était suffisante pour le service des pompes, et l’énergie de la combustion assura le fonctionnement continu de celles-ci malgré les circonstances défavorables où elles se trouvaient placées. En outre on a pu constater que la marche des pompes à pétrole était plus assurée et plus régulière que celle des pompes chauffées à la houille. Les tuyaux et les mécanismes en effet ne sont plus exposés, grâce au nouveau combustible, à être obstrués ou disloqués par les menus débris de charbon, ce qui arrivait trop souvent autrefois. L’essai du dummy a eu lieu sur le chemin de fer de l’Hudson. Le procédé différait de ceux de Woolwich et de Lambeth. Une plaque de fonte percée de trous et reposant sur un lit de sable formait la grille, sous laquelle débouchaient des conduits amenant le pétrole et un peu d’eau.

  1. Omnibus à vapeur qui desservent de petits embranchemens de chemins de for ou les banlieues de certaines villes.