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moins original, les Phrygiens, les Lyciens par exemple, — de tous côtés se sont produites des clartés imprévues, de vraies révélations qu’il faudrait, pour bien faire, raconter à loisir, et qu’on ne peut ici qu’indiquer en passant ; mais, de toutes ces victoires de l’archéologie moderne, la plus attachante peut-être, en même temps que la plus compliquée, est celle qui nous introduit dans cette langue de terre étroitement resserrée entre la mer et le Liban, dans cette Phénicie, puissance étrange dont l’histoire, la langue, les mœurs, les monumens étaient naguère encore le désespoir des plus savans, peuple à part dans l’antiquité, navigateur et commerçant, industrieux, cosmopolite, père des Carthaginois, prototype des Vénitiens, de la ligue hanséatique, de la Hollande et de l’Angleterre, inventeur et propagateur non-seulement de la pourpre et des plus fins tissus, mais de l’instrument le plus actif et le plus nécessaire de toute civilisation, l’alphabet. L’Égypte et l’Assyrie une fois retrouvées, il fallait bien que la Phénicie fût découverte à son tour. Elle était nécessaire à ces deux grands empires aussi bien aujourd’hui qu’il y a quatre mille ans, nécessaire à nous en faire comprendre les différences et les analogies, comme elle le fut jadis à les aider dans leurs échanges et à satisfaire leurs besoins. Bien que profondément original et tout à fait distinct des Égyptiens et des Assyriens, le peuple phénicien, dans les fragmens qui nous en restent, reflète de la façon la plus sensible, la plus curieuse à étudier, les caractères essentiels et entièrement divers de ces deux civilisations que, par sa position géographique aussi bien que par son génie propre, il était appelé à fondre, à concilier, et dont il fut en quelque sorte le courtier et l’entremetteur.

Ainsi partout en Orient la vue directe des monumens originaux a fait en moins d’un demi-siècle une archéologie et une philologie nouvelles : que s’ensuit-il ? Que dans ce même Orient l’histoire aussi, est à refaire. Non que tout soit apocryphe et digne de dédain dans les anciens récits classiques dont s’est nourrie notre jeunesse ; loin de là, les témoignages les plus récens de l’archéologie démontrent clairement qu’Hérodote a vraiment voyagé, que tout ce qu’il a vu de ses yeux, soit en Égypte, soit en Asie, les traits de mœurs, les usages locaux, il les a peints et décrits avec une exactitude aussi scrupuleuse que charmante ; mais ce qu’il n’a pas vu, ce qu’il s’est laissé dire, les traditions dont il n’est que l’écho, les dates, les noms propres, l’ordre des règnes, toutes ces données positives de l’histoire ne sont guère chez lui que des notions confuses, d’informes documens transmis et acceptés sans examen et sans critique. Il ignorait la langue du pays et vivait dans un temps où les vieux souvenirs dont lui parlaient ses guidés étaient déjà presque effacés. Ne cherchez dans son œuvre que des croquis de voyage