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sculpture est en meilleur point que notre peinture. Elle se démène, elle souffre, elle lutte contre l’impossible, elle est dans les conditions héroïques de l’art. Elle a mieux résisté que la peinture aux diverses fatalités qui nous poussent vers la décadence. MM. Perraud, Thomas, Guillaume, Gumery, Crauk, Carpeaux, Cavelier, auraient tenu leur rang dans la grande promotion de 1830. Le Faune de M. Perraud, réexposé en bronze par le fondeur, peut émigrer au musée Bourbon, à Saint-Jean-de-Latran ou aux Offices de Florence ; il ne sera déplacé nulle part. M. Carrier-Belleuse, en dépit de sa fécondité inquiétante, a le sens de la sculpture monumentale. Peut-être ne lui manque-t-il qu’une occasion favorable pour devenir le Rauch français.

L’exposition du rez-de-chaussée fourmille d’œuvres distinguées, intéressantes, qui représentent une notable somme de talent et de travail. C’est d’abord et par-dessus tout le Discobole de ce jeune et malheureux Deschamps, qui a vécu juste assez pour nous promettre un grand artiste ; c’est l’excellent Diogène de M. Le Père, bien choisi comme type et exécuté de main de maître en certaines parties ; c’est le Réveil du printemps, par M. Cabet, marbre charmant, frais, jeune, mais un peu maniéré par malheur ; c’est le jeune Martyr de M. Falguière, cette merveille de grâce et de sentiment ; c’est la Victoire de M. Loison, qui rappelle un peu Canova, mais traitée avec un goût et un art plus qu’estimables. Vient ensuite la jeune garde, qui n’a pas encore tous ses galons, et qui les gagne. Le Bacchus de M. Tournois serait plus justement désigné comme un suivant de Bacchus. Ce n’est pas un dieu, mais c’est assurément un gaillard de belle tournure. Le Jeune Homme agaçant un émerillon, par M. Thabard, est plein de vivacité et de finesse. Le Démocrite de M. Delhomme est bien construit, le Giotto de M. Chervet plein de délicatesse. M. Carlier a mis un grand soin et un savoir distingué à sa figure de la Cruche cassée. La Bacchante de M. Caillé, la Pénélope de M. Maniglier, la Première impression de M. Frison, méritent des éloges.

Le marbre de M. Sanzel, l’Amour captif, est d’une allure franche encore qu’un peu commune, du reste habilement traité. Le Narcisse de M. Gautherin n’est qu’un modèle d’atelier, mais copié dans un assez bon sentiment. L’Oiseleur de M. Le Bourg et son Enfant à la sauterelle rachètent par une agréable exécution la niaiserie des sujets. L’Abel de M. Croisy, un peu trop inspiré du Génie suppliant, est néanmoins une bonne étude. Le Faune de M. Combarieu est une figure agreste qui fourmille d’heureuses intentions. M. Amy a exposé une allégorie du Châtiment qui n’est pas vulgaire, mais qu’en sortira-t-il à l’exécution ? Vous savez que le plâtre ; n’est que l’ébauche d’une statue. Le Joueur à la toupie de M. Perrey est