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campagnes. Il lui fallait dans certaines circonstances changer plusieurs fois de figure en une journée : de faux cheveux, de faux favoris, un doigt de fard ou de noir animal opéraient ce miracle. A propos d’une affaire récente dans laquelle il avait eu la main heureuse, il m’apprit que les hommes dont la profession est de chasser sur le bien d’autrui ont, selon leur origine, une manière différente et pour ainsi dire nationale de travailler. « En entrant, ajouta-t-il, dans une maison qui a été dévalisée pendant la nuit, nous reconnaissons tout de suite à certains signes si l’acte a été accompli par des voleurs étrangers ou par des voleurs anglais. Les premiers ont pour principe de faire vite et de se sauver ; les seconds, par bravade ou par mépris réel du danger, affectent au contraire de prendre leurs aises et de se conduire chez les autres comme s’ils étaient chez eux. Il n’est pas très rare que nos burglars, après avoir forcé la porte ou les volets d’une maison habitée, allument leur pipe, visitent le garde-manger, fouillent la cave et s’attablent sans façon, buvant à la santé de ceux qui dorment au-dessus de leur tête. » Tout en causant, nous étions arrivés à Deptford, où l’agent me conduisit dans d’obscures boutiques. Il était partout reçu avec un air de politesse contrainte et maussade, comme un visiteur qu’on craint et qu’on voudrait à mille lieues de chez soi, mais avec lequel on juge prudent de faire contre fortune bon cœur. Les objets volés ne se retrouvèrent point, ou du moins je ne pus les reconnaître. Pour donner lieu à une action judiciaire, il eût fallu prêter serment. « Can you swear, pouvez-vous jurer que ces articles soient à vous ? » telle est la première question qu’adresse en pareil cas la police anglaise. Je n’avais d’ailleurs point perdu ma journée, grâce à la conversation de mon guide et aux détails de mœurs sur lesquels il avait appelé mon attention.

De même que certains Anglais ont une police à eux, chacun peut employer à ses dépens des hommes chargés de faire pour lui des recherches dans un intérêt tout personnel. Il y a par conséquent deux ordres de detectives, les uns officiels, c’est-à-dire nommés et payés par l’administration de sir Richard Mayne, les autres sans. aucun caractère d’autorité reconnue et agissant pour le compte de ceux auxquels ils vendent leurs services. En somme, la découverte des crimes est une profession comme une autre, avec cette différence que tantôt elle s’exerce sous le contrôle de l’état et tantôt au contraire elle se met volontairement à la solde d’une entreprise particulière. Dans ce dernier cas, les agens secrets prennent le nom de private détectives, et appartiennent souvent à de private inquiries offices, bureaux de recherches auxquels chacun peut s’adresser et obtenir à prix d’argent telles ou telles informations désirées. L’institution de la cour de divorce a beaucoup