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tout qu’un watchman transformé. Tout le monde sait que l’on doit à Robert Peel ce grand changement dans ce que les Anglais appellent le système constabulaire, constabulary system. Aussi les agens de la force publique en tunique bleue et en casque de feutre sont-ils quelquefois désignés familièrement par les surnoms de peelers et de hobbies[1]. Je ne conseillerais pourtant pas à un étranger de les appeler ainsi : il s’exposerait à des désagrémens. Ce nom de guerre retrace à l’esprit une origine dont les policemen n’ont nullement à rougir, mais la malice des gamins de Londres a trouvé moyen de le convertir en une injure.

C’est naturellement la présente organisation du service de sûreté générale en Angleterre qu’on désire connaître ; aussi chercherons-nous à indiquer dans cette étude le caractère de l’institution, les moyens employés pour arriver à la découverte des crimes et les rapports de la police avec les hommes dangereux. On voudra bien se souvenir qu’il s’agit ici d’un pays libre où l’état avait à résoudre un difficile problème, — assurer main-forte à la loi sans jamais blesser ce délicat sentiment de la dignité humaine qui fait surtout la valeur du citoyen anglais.


I

Il existe à Londres deux branches de police bien distinctes : l’une s’étend sur un rayon de quinze milles autour de Charing-Cross, et s’intitule elle-même metropolitan police, l’autre se concentre dans la Cité et prend ainsi le nom de City police. C’est la première qui doit nous occuper tout d’abord comme étant la plus importante de tout le royaume.

En face de Trafalgar square, que domine la colonne de Nelson, s’étend Parliamentary-street, l’une des artères de Londres où se font le plus sentir la présence et l’action du gouvernement anglais. D’abord cette rue, ainsi que l’indique son nom, conduit à la chambre des communes ; mais elle est de plus bordée ça et là dans toute sa longueur par l’amirauté, la trésorerie, l’hôtel des horse-guards, le conseil du commerce (board of trade), le ministère de l’intérieur (home office), et quelques autres administrations de la couronne. À gauche de cette rue, en remontant vers la Tamise, s’ouvrent une voûte massive qui traverse toute l’épaisseur d’une maison bourgeoise et un passage dont l’extrémité communique avec une cour nommée Great Scotland-Yard. Les bâtimens qui l’entourent, et

  1. Les Anglais aiment à contracter les noms de baptême ; c’est ainsi que de William ils font volontiers Bill, de Richard Dick, de Robert Bob ou Bobby.