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surprise celle de la terre et du rocher. La vie chimique est encore intense sous nos pieds et se manifeste par les tressaillemens et les suintemens volcaniques ; mais encore une fois la vie la plus élémentaire est toujours une vie ; la vie inorganique, — il paraît qu’on parle ainsi aujourd’hui, — est toujours une force qui vient animer une inertie. D’où vient cette force ? D’une loi. D’où vient la loi ?

Pour répondre scientifiquement à une telle question, il faut trouver une formule nouvelle à coup sûr. Puisque tous les mots qui ont servi jusqu’ici à l’idée spiritualiste paraissent entachés de superstition, et tous ceux qui servent à l’idée positiviste semblent entachés d’athéisme, vitalité, dis-nous ton nom !

Sublime inconnue, tu frémis pourtant sous ma main quand je touche un objet quelconque. Tu es là dans ce roc nu qui, l’an prochain ou dans un million d’années, aura servi par sa décomposition ou toute autre influence peut-être occulte à produire un fruit savoureux. Tu es palpable et visible et déjà merveilleusement savante dans la petite graine qui porte dans sa glume les prairies de six cents lieues de l’Amérique. Tu souris et rayonnes dans la fleur qui se pare pour l’hyménée, tu bondis ou planes dans l’insecte vêtu des couleurs de la plante qui l’a nourri à l’état de larve. Tu dors sous les sables dorés du rivage des mers, tu es dans l’air que je respire comme dans le regard ami qui me console, dans le nuage qui passe comme dans le rayon qui le traverse. — Je te vois et je te sens dans tout ; mais rayez le mot divin amour du livre de la nature, et je ne vois plus rien, je ne comprends plus, je ne vis plus. x La matière qui n’a pas la vie et la vie qui ne se manifeste pas dans la matière ont-elles conscience du besoin qu’elles éprouvent de se réunir ? Ce n’est pas très probable sans la supposition d’un agent souverain qui les pousse irrésistiblement l’une vers l’autre. Quel est-il ? Son nom ? Le nom que vous voudrez parmi ceux qui sont à l’usage de l’homme ; moi, je n’en peux trouver que dans le vocabulaire classique des idées actuelles : âme du monde, amour, divinité. Je vois dans la moindre étude des choses naturelles, dans la moindre manifestation de la vie, une puissance dont nulle autre ne peut anéantir le principe. La matière a beau se ruer sur la matière et se dévorer elle-même, la vie a beau se greffer sur la vie et s’embrancher en d’inextricables réseaux où se confondent toutes les limites de la classification, tout se maintient dans l’équilibre qui permet à la vie de remplacer la mort à mesure que celle-ci opère une transformation devenue nécessaire. Je sens le souffle divin vibrer dans toutes ces harmonies qui se succèdent pour arriver toujours et par tous les modes au grand accord relativement parfait, âme universelle, amour inextinguible, puissance sans limites.

Laissons les savans chercher de nouvelles définitions. Si leurs