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Les villes formaient et forment encore des espèces de républiques démocratiques, indépendantes du pouvoir central et administrant tous leurs intérêts par l’intermédiaire de magistrats élus. Ces municipalités exercent les mêmes droits que les comitats ; les personnes et les biens, dans les limites de leur territoire, sont soumis à leur juridiction civile et pénale. Le bourgmestre, les membres du conseil communal, le représentant du ministère public, l’archiviste, le préposé à l’enregistrement, l’ingénieur, le pharmacien et le médecin, le caissier, en un mot tous les chefs de service sont nommés directement par les électeurs. Les conseils communaux sont très nombreux. Dans les villes de moins de 12,000 habitans, ils comptent au minimum 30 membres. Dès que la population dépasse 1,500 âmes, on ajoute un représentant de plus par chaque fraction de 200 habitans en sus de ce chiffre. Les grandes villes ont 159 représentans pour 30,000 habitans et un représentant en plus pour chaque fraction de 800 habitans. Ainsi une ville de 100,000 âmes aurait 244 conseillers. Avec 200,000 âmes, elle en aurait 344. Ce nombre si considérable d’élus pour gérer les affaires d’une cité choque certainement nos idées. Il provient des anciennes coutumes hongroises, qui accordaient à tout homme libre sa part d’influence dans la gestion des intérêts publics, et il a ses avantages. Plus il y aura d’hommes exerçant des fonctions publiques, plus les aptitudes politiques de la nation se développeront, plus par conséquent elle deviendra capable de se gouverner elle-même. Les lois de 1848, qui déjà visaient à établir une plus grande uniformité, ont néanmoins laissé aux districts des Kumans, des Jazigues et des Hayduques leurs antiques constitutions, fondées sur la participation de tous à l’administration publique. C’est la démocratie comme la Grèce l’a connue, et comme Rousseau l’a rêvée.

Au-dessus des institutions provinciales et municipales, l’unité de la nation est représentée par la diète, à qui seule il appartient de faire, de concert avec le souverain, des lois partout exécutables. Dans les premiers temps, l’assemblée nationale était formée de tous les nobles, réunis dans quelque grande plaine, comme une armée prête à marcher au combat. Des tentes étaient dressées, les seigneurs à cheval, revêtus de leurs armes, discutaient en plein air. C’était dans le champ de courses de Rakós que ces réunions avaient ordinairement lieu. La dernière de ce genre précéda de peu de temps la fatale bataille de Mohacs. Sous Ferdinand Ier, vers 1575, la diète se divisa en deux chambres ou tables, la table des magnats et la table des députés. Ceux-ci représentaient les comitats. L’assemblée comitale donnait à ses délégués des instructions pour voter dans un sens déterminé, c’est-à-dire un mandat impératif, et chaque comitat, non chaque représentant, avait un vote. Au moyen