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impératrice les complimens de son époux, mais surtout pour juger de sa personne et de son esprit; l’empereur était d’autant plus disposé à s’en rapporter à lui qu’il le savait fin connaisseur. Avide d’apprendre quelle impression son messager lui rapportait de son voyage, Napoléon ne l’eut pas plus tôt aperçu qu’il s’écria tout d’abord : « Eh bien! décidément, comment est-elle? — Sire, répliqua M. de Laborde, sauvez-vous le premier coup d’œil, et, comme mari, votre majesté aura lieu d’être contente. » Cette adroite réponse parut satisfaire celui qui avait fait à son jeune maître des requêtes une si embarrassante question[1].

Aussi bien l’empereur, outre les préparatifs de son mariage, qu’il voulait entourer de la plus grande magnificence, ne manquait pas en ce moment d’occupations. C’était vers l’arrangement laborieux des affaires de l’église de France qu’était principalement tourné l’effort de son intelligence, restée toujours si puissante, mais où la fantaisie prenait de plus en plus le pas sur la raison. La guerre avait cessé; il entrevoyait devant lui des années de repos. « C’était, pensait-il, le moment de finir les affaires de Rome[2]. » Mais comment les finir? Cela lui paraissait très simple. « Les affaires temporelles seront terminées, dit une note de lui insérée dans sa correspondance à la date du 1er janvier 1810 et dont la minute est gardée, à ce qu’il paraît, aux archives impériales, les affaires temporelles seront terminées aussitôt que le sénatus-consulte sera publié. Il peut l’être très promptement, et cela peut être fait dans le cours de la semaine prochaine. Le conseil privé se réunirait mardi, le sénat se rassemblerait jeudi, et le sénatus-consulte se rendrait lundi... » Suivait le plan du sénatus-consulte. « Un sénatus-consulte de cette nature, continuait l’empereur, dès qu’il aura été rendu, fera voir au pape que tout est terminé[3]. » Après le projet de sénatus-consulte, rendu effectivement le 17 février 1810, vient le projet d’une lettre au pape dont nous citerons quelques passages, parce qu’elle peint au vif les sentimens impétueux et comme désordonnés auxquels l’empereur était alors en proie.


« Très saint père,... votre sainteté a oublié les principes de la justice et de la charité lorsqu’elle a publié une bulle qui excommunie une partie de mes sujets. C’est pour bénir et pour affermir les trônes et non pour

  1. M. de Laborde avait le don des heureuses reparties. A quelques années de distance, l’empereur, qui ne faisait plus guère attention à lui, et l’avait à peu près oublié, lui dit un jour en passant: « Eh bien! monsieur de Laborde, vous voilà maintenant l’aîné de mes maîtres des requêtes. — Oui, sire, et toujours le cadet de vos soucis! »
  2. Note insérée dans la Correspondance de l’empereur, t. XX, p. 169.
  3. Ibid.