Pour constituer avec des populations d’origine et de langue différentes un état capable de résister aux causes intérieures et extérieures de dislocation, il y a deux moyens. Le premier consiste à plier ces populations sous la main du pouvoir central, à leur ôter leurs institutions anciennes, à détruire jusqu’au souvenir de leur passé, à les déshabituer de l’emploi de leur idiome particulier, à effacer enfin tout ce qui les distingue les unes des autres, et à leur imposer au contraire les mêmes lois, les mêmes idées, les mêmes usages et jusqu’aux mêmes goûts, à les faire surtout participer aux bienfaits des mêmes progrès en leur inspirant ainsi l’amour et l’orgueil de la patrie commune. Tel est le procédé qui a réussi en France d’une façon plus complète que partout ailleurs, l’ancien régime ayant fondé l’unité, et la révolution l’ayant fait chérir, adorer, peut-on dire, jusqu’au fanatisme. Le second procédé est tout l’opposé du premier : il consiste, à respecter les traits distinctifs des faces diverses, leurs lois. leurs coutumes, à leur laisser le droit de se gouverner elles-mêmes en toute liberté et de suivre la voie où les porte leur génie, à favoriser le plein épanouissement de leurs facultés, de leur langue, de leur littérature, de leur richesse, afin que, se sentant sous ce régime plus heureuses qu’elles ne le
- ↑ Voyez la Revue du 1er avril 1868.