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ESSAIS ET NOTICES.

Mélanges biographiques et littéraires, par M. Guizot, 1 vol. in-8o; Michel Lévy.


Quelques-uns des portraits réunis dans ce volume sont déjà connus de nos lecteurs. La Revue a eu l’heureuse chance de les faire passer sous leurs yeux séparément, à diverses reprises, et nous aimons à reconnaître que, rassemblés ainsi, ils se prêtent un charme et un intérêt tout nouveaux. C’est une galerie, une suite de peintures à la fois intimes et historiques, instructives et attrayantes. Une pensée touchante les unit; l’auteur nous dit, et nous le comprenons, qu’il n’a pu se défendre d’un sentiment mêlé de douceur et de tristesse en ravivant ainsi ces hommages rendus à de chers contemporains, ces images de sa vie passée, de ses affections perdues, ces souvenirs des meilleures, des plus sûres, des plus délicates relations. Il est de ceux qui ne se resignent pas à perdre pour toujours les amis dont la mort nous sépare, à ne les croire immortels que dans notre propre pensée, dans notre souvenir, qui sait même, dans nos rêves! il repousse ces subtiles transactions, ces explications nébuleuses d’une vaine science qui ne s’applique à ces grands problèmes que pour donner le change aux instincts de l’humanité ; c’est dans les espérances et les mystères de l’immortalité personnelle qu’il se repose et se confie. De là l’émotion contenue qui règne dans ces notices, et qui leur donne un si grand prix, indépendamment même d’on talent que personne n’ignore et qu’il est superflu de louer.

Nous n’entrons dans aucun détail, et par conséquent nous ne parlons ni du plus étendu de tous ces morceaux, le travail sur M. de Barante, appréciation si vraie, si fine, si pénétrante de l’homme et de ses écrits, ni des études sur Mme de Boigne et sur Mme Récamier, perles charmantes dont le souvenir est ici encore présent à tout le monde : nous nous arrêterions plutôt à des essais plus anciens, dont la première confidence ne nous a pas appartenu. Ainsi la Revue n’était pas née, il s’en faut de beaucoup, lorsque fut publié pour la première fois l’étude sur Gibbon, placée en tête de ce volume. Cette notice remonte à près d’un demi-siècle, et la reproduction en a cela de particulier que l’auteur des Méditations chrétiennes s’est fait comme un devoir de la donner telle qu’elle parut, sans retrancher un mot des éloges accordés par lui à l’Histoire de la décadence et de la chute de l’empire romain. Seulement il ajoute dans un lumineux post-scriptum que, si encore aujourd’hui il retrouve dans ce célèbre ouvrage les mérites qu’en 1812 il y avait signalés, il aperçoit bien mieux ceux qui lui manquent, et les regrette tout autrement Nous voudrions citer les pages où, exposant les lacunes et les erreurs de Gibbon, il