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Auxerre, ni de la manière de les remplacer. L’empereur a parlé simplement en homme, en souverain qui rend politesse pour politesse, qui vient de recevoir d’un prélat un compliment bien tourné et d’un maire une harangue officielle relevée à la fin par le mot de libéralisme. C’est tout au plus si en réponse à M. Dupanloup, qui venait de rappeler Jeanne Darc, il a évoqué à son tour le souvenir des brigands de la Loire, opposant tradition à tradition. Ceux qui trouveraient dans les discours impériaux prononcés à Orléans un encouragement pour leurs rêves belliqueux seraient évidemment des hommes à l’imagination véhémente et facile à enflammer ; en revanche ceux qui se hâtent de découvrir dans ces discours une éclatante garantie de paix sont très certainement des esprits de bonne volonté qui voient tout sous la couleur de leurs espérances. S’il est vrai, comme on le dit souvent, qu’il y ait autour et au-dessous de l’empereur deux courans contraires, l’un nous conduisant à la guerre, l’autre s’efforçant de nous retenir dans la paix, rien ne sera changé, nous en avons l’idée, par les harangues d’Orléans; ces deux courans continueront à tournoyer et à se croiser, comme d’autres courans contraires se croisent dans nos affaires intérieures, et se manifestent dans cette dernière discussion sur la presse qui vient d’émouvoir la gravité du sénat, dans ce grand et sérieux débat qui se déroule encore aujourd’hui au sein du corps législatif sur le régime économique de la France.

Elle est donc votée enfin, cette loi sur la presse, malgré tous les fâcheux pronostics qui semblaient lui prédire un mauvais sort devant le sénat. Elle a passé par toutes les formalités, elle a épuisé toutes les épreuves de l’interprétation, de la délibération et du scrutin. C’en est fait, le régime administratif de l’autorisation préalable et des avertissemens a vécu. La loi nouvelle est définitivement promulguée depuis trois jours, et, s’il fallait juger de la perfection d’une œuvre législative par le temps passé à la méditer, à la corriger, à la préparer, les citoyens français pourraient s’avouer modestement qu’ils sont en possession de l’œuvre la plus parfaite. S’il était vrai aussi que les réformes les plus sérieuses, les plus durables, sont celles qui sont accomplies sans enthousiasme, auxquelles on se borne à donner un passeport de complaisance ou de tolérance, nous pourrions être contens; le régime actuel de la presse pourrait se promettre une longue vie, car, de toutes les lois qui ont été faites depuis longtemps, il n’en est pas qui ait eu à essuyer plus de sévérités, qui ait été accueillie avec moins de bonne grâce, qui ait rencontré plus de résistance, de mauvais vouloir et d’antipathie. Ah! si on avait osé, c’est-à-dire si on avait pu suivre son penchant sans se mettre en contradiction avec le gouvernement, sans paraître témoigner plus de sagesse et de prévoyance que l’empereur! C’est là en définitive le mot de la dernière discussion du sénat. Ce n’est point que, même dans ce débat de quelques