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indépendance morale et matérielle, c’est grâce à elle qu’il est soumis au droit commun et ne connaît pas de lois d’exception. Aussi la traite-t-il comme une ancienne et fidèle alliée, et ne veut-il rien tenir que d’elle. Nous avons insisté sur ce point parce que nous ne saurions trop le féliciter d’avoir donné un pareil exemple. Cet exemple a déjà été suivi par les presbytériens irlandais, dont le synode, convoqué il y a quelques jours, en se prononçant en faveur de l’abolition de l’église établie, s’est déclaré prêt à consacrer le principe de cette abolition en renonçant au regium donum. Cependant une partie des biens d’église que le parlement veut rendre à leur véritable destination en les appliquant au service de la nation irlandaise ne pourrait-elle pas être employée à améliorer une fois pour toutes la situation du clergé catholique sans porter atteinte à son indépendance, sans froisser aucun des sentimens élevés qui la lui rendent si chère? Nous avons entendu discuter plusieurs plans destinés à atteindre ce but. D’après l’un, l’état prendrait sur les fonds disponibles une somme qu’il répartirait entre toutes les paroisses pauvres de l’Irlande, et que celles-ci emploieraient à reconstruire leurs églises, à bâtir des presbytères, et peut-être à acheter un champ dont les produits seraient destinés à l’entretien de ces édifices. D’après un autre, on donnerait à chaque commune la propriété des églises, presbytères et glèbes appartenant aujourd’hui à l’église anglicane et situés sur son territoire, en lui laissant la faculté de les affecter au culte qu’elle désignerait. Dans les quatre cinquièmes au moins de l’Irlande, ce culte serait le culte catholique. Dans l’un ou l’autre cas, il ne serait question ni de salaires, ni de rentes, ni de lucratives dotations. Le prêtre ne recevrait rien pour lui-même, et continuerait à ne vivre que des contributions volontaires de ceux auxquels il donne ses secours spirituels; mais son culte serait célébré dans de meilleures conditions, lui-même moins pauvrement logé, et les populations se trouveraient affranchies de la charge écrasante qu’elles s’imposent pour rebâtir leurs églises; elles n’éprouveraient plus ces sentimens d’humiliation que leur inspire la vue de tous ces antiques monumens, consacrés pendant tant de siècles au culte national, occupés aujourd’hui par les ministres d’une religion étrangère, qui a la richesse, la puissance, les honneurs, tout enfin, excepté des fidèles pour les remplir. Si on veut apaiser les passions qui animent l’Irlande, il faut faire cesser à tout prix un pareil contraste. Toutefois, que le clergé accepte ou non un arrangement de ce genre, il restera toujours sur les biens sécularisés une certaine somme disponible qu’il faudra affecter à quelques objets d’utilité publique. C’est ici que se présentent les projets les plus divers et parfois les plus chimériques;