Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celle de tous les sujets de sa majesté. — Quoi ! dit Cambacérès, vous voulez suivre les formes! Tout cela va traîner en longueur; j’ai été jurisconsulte : les formes tuent le fond. » Les formes, contre lesquelles l’archi-chancelier avait tant d’objections, ne furent pas en effet bien rigoureusement observées, ou du moins elles furent singulièrement abrégées. Le jour même où le comité ecclésiastique avait rendu sa décision, c’est-à-dire le 2 janvier, M. Guyeu apporta à l’officialité la requête de l’archi-chancelier, sans lui remettre aucune des pièces officielles qu’elle avait précédemment réclamées. La requête portait que la bénédiction nuptiale donnée aux époux dans la nuit du 2 décembre 1804 n’avait pas été précédée, accompagnée ni suivie des formalités prescrites par les lois canoniques, c’est-à-dire qu’il y avait eu défaut de présence du propre prêtre et absence de témoins. Après ces deux premiers moyens d’annulation, elle en produisait un troisième entièrement nouveau et qui surprit beaucoup les membres de l’officialité : c’était le défaut de consentement de l’empereur. L’archi-chancelier terminait sa requête en demandant qu’il fût dit et déclaré par l’officialité que le mariage de leurs majestés avait été non valablement contracté, et qu’il fût comme tel réputé nul et de nul effet, QUOAD FOEDUS. Le lendemain 3 janvier, M. Guyeu apportait à l’archi-chancelier la déclaration de compétence émise par le comité ecclésiastique. Cette déclaration établissait les trois degrés de juridiction diocésaine, métropolitaine et primatiale ; puis elle statuait sur un point qui n’avait pourtant pas été soumis au comité, à savoir qu’à moins que le consentement ne fût bien prouvé, le mariage était md de plein droit; il n’était rien dit quant aux formes de la procédure à suivre. Sur les observations faites par les membres de l’officialité, que la requête était entortillée et presque inintelligible, M. Guyeu répondit que les dépositions des témoins mettraient le tribunal au fait de tout, et sans désemparer il se mit en devoir d’exposer l’affaire à peu près comme avait fait le prince archi-chancelier, avec cette différence cependant que, laissant presque de côté le défaut de présence de témoins et du propre curé, il insista beaucoup sur le défaut de consentement de l’empereur, consentement qu’il représenta comme contraint, simulé, et donné seulement pour contenter l’impératrice. Il indiqua comme témoins qu’il voulait faire entendre M. Duroc, duc de Frioul, M. Berthier, prince de Neufchâtel, M. de Talleyrand, vice-grand-électeur, et le cardinal Fesch.

Les témoins désignés étaient de trop grands personnages pour comparaître devant l’officialité. Il fut convenu qu’elle se transporterait elle-même chez eux pour recevoir leurs déclarations. On y procéda dans la journée du 6 janvier. Le procès-verbal de leurs décla-