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L’ÉGLISE D’ÉTAT
ET
L’EGLISE LIBRE EN IRLANDE

Il y a des institutions qu’un respect superstitieux doit entourer et protéger pour qu’elles ne s’écroulent pas sous le seul poids de leur iniquité. Telle était, il y a quelques années, l’institution domestique des Américains du sud; telle était tout à l’heure encore l’église officielle d’Irlande. La comparaison, qu’il serait d’ailleurs parfaitement injuste de pousser trop loin, a été faite par un membre même de cette église, sir J. Gray, un protestant irlandais dont le caractère et le talent sont universellement estimés. Le jour où l’on commence à discuter de pareilles institutions, où ceux qui les soutiennent ne les regardent plus comme un palladium sacré, elles sont perdues. C’est ce qui arrive pour l’église officielle, qui était en Irlande le signe palpable de la conquête, qui exprimait de la manière, non la plus pesante, mais la plus blessante, la supériorité de la race victorieuse. Elle a beau être aujourd’hui comme hier l’église d’état et à ce titre posséder des terres, prélever la dîme sur toutes les propriétés, jouir d’un revenu de plus de 11 millions de francs, entretenir 2 archevêques, 10 évêques, 12 chapitres, 1 université, 622 vicaires et 1,510 curés, envoyer des prélats à la chambre des pairs et interdire aux évêques catholiques, aux pasteurs vraiment nationaux, le droit de prendre le titre des diocèses dont elle ne peut leur enlever la direction exclusive; ses jours sont comptés. Cet arbre exotique, dont parlait l’un des grands orateurs de la chambre des communes, M. Lowe, qui cachait en vain sous le feuillage sa stérilité, va être coupé, car il encombrait le sol sur lequel