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fluence du père Raïevskoï, qui en fait une véritable pépinière d’agens moscovites recrutés quelquefois par la Russie pour ses provinces ou pour le royaume de Pologne. Tout cela se passe à Vienne, à Lemberg ou à Prague ; l’Autriche, l’oppressive Autriche, laisse faire, soit par suite du désarroi de sa bureaucratie, étourdie de tout ce bruit nouveau, soit dans un sentiment de libérale tolérance, soit peut-être enfin parce qu’elle craindrait d’aller au-devant de dangereuses complications extérieures, si elle réclamait auprès de ceux qui lui créent ces embarras.

Et l’Autriche a-t-elle absolument tort de laisser faire, de ne point. chercher à étouffer par la compression cette effervescence d’idées et d’instincts ? Cela n’est pas prouvé. Ce qui est certain, c’est que, sans cesser d’être active de la part de la Russie, cette propagande semble depuis quelques mois entrer dans une sorte de crise. En Bohême, sous l’influence de causes diverses, le parti tchèque paraît porter moins de vivacité, moins d’entrain et surtout moins de confiance dans cette agitation. En réalité, il se divise. Jusqu’ici le mouvement avait pour chefs des hommes considérables, à la fois nationaux et conservateurs, M. Palaçki, M. Rieger, M. Brauner. Ces chefs, longtemps suivis par l’opinion, tirent sans doute leur force d’eux-mêmes ; ils la tiraient aussi de leur alliance avec le parti aristocratique, qui compte à sa tête le comte Léo de Thun, le comte Clam-Martinitz, et qui à la suite des patriotes nationaux s’était laissé entraîner à s’abstenir complètement de prendre part aux travaux du reischrath. Maintenant, en face de cette agitation panslaviste dont la Russie seule profite trop visiblement, le parti de l’aristocratie tchèque a senti se réveiller sa vieille loyauté dynastique, et dans ces derniers temps on a vu le comte de Thun, après une audience de l’empereur, reparaître au reischrath. D’un autre côté, si MM. Palaçki, Brauner, Rieger, ont toujours une grande autorité, ils ne sont plus seuls. Auprès d’eux s’est formé un parti de la jeune Bohême conduit par MM. Sladkovski et Gregr, auxquels est venu se joindre récemment un émigré tchèque de 1848, M. Joseph Fricz, qui le premier s’est prononcé avec une courageuse netteté contre le voyage à Moscou. Dans ce parti de la jeune Bohême, il y a un sentiment démocratique et libéral très vif qui proteste contre toute alliance avec le tsarisme, et un journal, le Sroboda, a été créé dernièrement pour combattre l’agitation moscovite. Enfin le clergé catholique, par des motifs religieux, se détache d’un mouvement qui conduit tout droit au schisme grec en passant peut-être d’abord par une église nationale slave. En Galicie, des symptômes d’une autre nature semblent révéler aussi une sorte de suspension du mouvement. Dans les dernières élections pour la diète, le parti dit