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que la liberté du bien, c’est-à-dire leur propre domination et le gouvernement de la société tout entière par l’église catholique. D’autres, plus éclairés, ayant eux-mêmes reçu plus ou moins le souffle de cet esprit moderne si détesté, voudraient que le catholicisme s’alliât à cet esprit pour le diriger, en adoptât hautement les maximes, et revendiquât pour l’Évangile même l’honneur de ces principes que l’on dirige faussement contre lui. D’un côté est le catholicisme ultramontain, de l’autre le catholicisme libéral. Sans doute cette lutte, si vive et si profonde qu’elle soit dans le fond des consciences, éclate rarement au dehors, car il est de l’essence du catholicisme de couvrir les dissidences réelles par l’apparence de l’unanimité. Cependant tout le monde sait que cette lutte existe : un acte célèbre, publié récemment, en a donné le secret au public indiscret. Les uns ont approuvé avec enthousiasme cet acte de réaction extravagant; les autres l’ont désavoué en l’expliquant, et se sont habilement servis de leur science théologique pour embrouiller la matière.

On pourrait nous dire que cette dissidence, en supposant qu’elle existât (et l’on cherche autant qu’il est possible à nous la dissimuler), ne porte après tout que sur des questions libres, des questions sociales et politiques, mais que l’église catholique nous offre au moins un point fixe et un asile sûr dans un dogme incontesté, formulé par une autorité infaillible. Outre que c’est déjà un problème de savoir quelle est cette autorité infaillible, je fais remarquer que cette autorité suprême, quelle qu’elle soit, ne nous assure la sécurité que dans un domaine qui nous touche de très loin, et nous laisse dans le trouble là où nous aurions le plus besoin de lumières. Je ne suis certainement pas juge de l’importance que peut avoir en théologie dogmatique la croyance à l’immaculée conception, cependant il faut avouer que les hommes de nos jours étaient peu troublés par cette question, et qu’ils eussent volontiers attendu l’autre monde pour savoir à quoi s’en tenir à ce sujet; mais leur conscience d’hommes et de citoyens est tous les jours déchirée par le conflit des anciennes doctrines et des nouvelles, et c’est là-dessus qu’on les laisserait libres, à ce que l’on dit. Au fond, n’en doutons pas, on ne les laisse libres que provisoirement et dans la mesure où l’on a besoin d’eux. Le dogme est impitoyable, et ne permet rien en dehors de lui. On peut donc affirmer qu’en dépit des apparences le conflit est entre le dogme et la liberté.

Dans le protestantisme, la même crise éclate sous une autre forme et dans d’autres conditions. Dans le protestantisme traditionnel en effet, il y a bien un dogme, il n’y a pas d’autorité, ou du moins la seule autorité est l’Écriture sainte; mais comme l’Écriture