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LE
SPIRITUALISME FRANÇAIS
AU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE

De toutes les doctrines philosophiques qui se partagent les esprits au temps où nous sommes, la moins étudiée est, à mon avis, la doctrine spiritualiste. Je ne crois pas avancer un paradoxe en affirmant qu’elle est à peu près aussi connue que celle de Bouddha ou de Lao-tseu. On n’en connaît ni l’histoire, ni les principes, ni la vraie originalité. On ne cesse de la représenter sous les couleurs les plus fausses, tantôt comme une simple philosophie du sens commun, tantôt comme la restauration surannée de la métaphysique d’un autre siècle, tantôt comme la théologie des séminaires moins les miracles. Quant au caractère original et propre du spiritualisme de notre siècle, il est absolument ignoré. On prononce sans cesse les noms de Kant et de Hegel, mais qui donc sait, si ce n’est parmi les initiés, que la France a eu au commencement de notre siècle un penseur dont le nom doit être mis à côté de ceux-là, et qui depuis Malebranche est le plus grand et peut-être le seul métaphysicien que la France ait possédé? Je veux parler de Maine de Biran. Oui donc sait qu’un physicien illustre, dont le nom est marqué dans la science d’une manière ineffaçable. Ampère, a consacré plus de temps peut-être aux méditations philosophiques qu’à ses études de mathématiques et de physique, et qu’il a travaillé en commun avec Maine de Biran au renouvellement de la métaphysique? Qui donc sait que dans cette entreprise commune de ces deux grands penseurs se rencontrait une vue neuve et profonde, qui, développée avec la patience du génie allemand, eût peut-être donné naissance à un mouvement philosophique aussi considérable