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confisqués sont conduits à la Seine et rendus à la rivière, d’où bien souvent ils viennent en grande partie.

Lorsqu’on se mit à construire l’entrepôt, la plupart des vins arrivaient par voie de navigation. Paris ne comptait alors que 622,636 habitans, la plupart des provinces consommaient elles-mêmes leurs propres productions, et les chemins de fer, auxquels on ne pensait guère à cette époque, n’allaient pas chercher, pour nous les apporter, les denrées alimentaires jusque dans les communes les plus retirées; l’entrepôt pourvoyait donc alors amplement aux besoins qu’il était destiné à satisfaire. D’après les calculs de M. A. Husson, passé maître en telles matières, Paris a absorbé annuellement, de 1809 à 1818, en moyenne 752,795 hectolitres de vin[1]. Les relevés de l’octroi prouvent qu’en 1867 il est entré dans la capitale 3,575,561 hectolitres de vin[2]. L’équilibre est donc absolument rompu aujourd’hui, et cet entrepôt qu’on trouvait si magnifique, si spacieux il y a trente ans, est à cette heure tout à fait insuffisant. Une baguette magique le triplant en une minute lui donnerait à peine les dimensions qui lui sont nécessaires. Les négocians sont prêts à bien des sacrifices pour obtenir l’emplacement qui leur manque, et qui assurerait à leur commerce une amplitude réellement magistrale. On parle de prendre une partie des rues intérieures et d’y établir des celliers, d’élever des constructions sur les caves déjà existantes et d’augmenter ainsi la place qu’on réclame de toutes parts, et que l’administration est impuissante à créer, car non-seulement elle a donné toute celle dont elle pouvait disposer, mais encore elle ferme les yeux sur bien des abus qui se commettent journellement, et que l’état des choses fait naturellement excuser. Ainsi le règlement veut que les voies de communication conduisant d’un pavillon à l’autre, les trottoirs ménagés le long des constructions soient maintenus libres pour assurer une circulation facile; néanmoins ils sont obstrués de pièces, non-seulement de celles qu’on dépose momentanément avant la mise en caves, de celles qu’on roule ou qu’on répare, mais de pièces gerbées, c’est-à-dire placées symétriquement les unes sur les autres, comme dans un cellier. Ceci est une contravention parfaitement définie; que faire cependant? Supporter sans se plaindre un tel inconvénient, puisque le défaut d’espace le rend inévitable. L’entrée même des caves est tellement étroite qu’on ne peut y rouler les fûts de forte jauge; on est obligé de les dresser, opération d’autant plus pénible que le tonneau est d’une contenance plus considérable. Dans de telles

  1. Les Consommations de Paris, p. 312.
  2. Ce qui donne en vin naturel et dégagé de toute opération, pour la consommation de chaque habitant, par an 195 litres 89, par jour 5 décilitres 16.