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C’étaient plutôt des liquides tournés, entrés en souffrance par suite de voyage ou de mauvaises conditions d’emmagasinement que des vins sophistiqués. On confisque les vins trop faibles en alcool ou déjà aigris; dans ce cas, on les mélange avec du vinaigre et on les rend au propriétaire, qui peut en tirer parti sous cette nouvelle forme. Lorsque le vin est jugé définitivement mauvais et insalubre, on roule la pièce qui le contient jusqu’au port Saint-Bernard, et on la défonce tout simplement dans la Seine. Si les vins ne sont pas falsifiés à l’entrepôt, ce n’est pas cependant une raison pour qu’ils en sortent tels qu’ils y sont entrés. On n’y ajoute pas d’eau, car les pièces paient d’après la jauge; mais on fait le vin, c’est-à-dire qu’on mêle ensemble les produits de différens crus de façon à obtenir un seul type, c’est le mot consacré. Cette opération se fait dans de vastes cuves ou dans des foudres gigantesques; on procède avec méthode, sans mystère, aux yeux de tout le monde, c’est un usage reçu et accepté par le commerce. Quand on veut faire du bon vin de Bordeaux ordinaire, on prend deux pièces de vin de Blaye, vin rouge, sain, mais plat, deux pièces de ces petits vins blancs qu’on appelle vins d’entre deux mers et qui sont récoltés aux environs du bec d’Ambez, et une pièce de vin de Roussillon. On verse ces différens vins dans la cuve, on les agite fortement de façon à activer le mariage, puis on laisse reposer le liquide, que ne tarde pas à atteindre une légère fermentation; quand cette dernière a produit tout son effet, on met le vin en pièce, et le tour est fait. Les vins de Mâcon s’obtiennent avec un mélange proportionné de vins de Beaujolais, de Tavel et de Bergerac. Cette opération, qui n’est peut-être pas d’une régularité à l’abri de tout reproche, s’appelle le soutirage.

Autrefois on donnait de la couleur aux vins trop faibles avec des baies d’hièble ou de sureau, avec des mûres, avec du bois de Campêche; aujourd’hui on a renoncé à tous ces vieux ingrédiens et on les remplace à l’aide d’un vin naturel du Loiret qu’on nomme vin noir. Il sert uniquement à colorer les vins trop pâles. Une barrique d’eau, quelques litres de vin noir, un peu d’alcool, forment une boisson qui trouve un débit facile. Il y a dans le midi, à Cette, des fabriques ostensibles de vins. Là, toutes les espèces sont obtenues avec les gros vins du pays, dans lesquels on fait infuser des labiées. Selon la quantité de sucre qu’on y ajoute, les vins sont doux ou secs. La plupart des vins de Xérès, de Lunel, de Frontignan, qu’on boit à Paris n’ont pas d’autre origine. Madère n’exporte pas mille pièces de vins par an ; on sait cependant combien il se boit de vin de ce nom : c’est Cette qui en fournit le monde entier. Heureusement que le vin de Zucco, vin sicilien, très franc et