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des équarrisseurs qui l’utilisent pour des usages industriels. La quantité des viandes saisies en 1867 a été de 111,353 kilogr.[1]. Quand les viandes sont estampillées, on en vérifie la marque et on les met sur le plateau, énorme balance spécialement surveillée par les préposés du poids public; une fiche de papier répétant le numéro d’ordre de la pièce sert à inscrire le poids reconnu, et on la fixe par une épingle sur le morceau lui-même. Quand tous ces préliminaires sont terminés, la vente à la criée commence.

Telles sont les opérations diverses, toutes accomplies sous l’œil même des agens de l’autorité compétente, par lesquelles on assure à Paris la viande de boucherie dont il a besoin. La consommation en est très considérable, et se décompose ainsi pour l’année 1867 : viande de boucherie et abats de veau sortant des abattoirs ou venant de l’extérieur, 121,707,599 kilogrammes; viande et abats de porcs sortant des abattoirs ou venant de l’extérieur, 13,646,959 kilogrammes, ce qui donne pour l’année une consommation de plus de 135 millions de kilogrammes. D’après le dernier recensement, la population de Paris, y compris la garnison, est de 1,825,274 habitans; la consommation d’un Parisien est donc, en viande de boucherie, par an, de 69 kilogrammes 966, par jour de 191 grammes 68 centigrammes, en viande de porc de 7 kilogrammes 477 par an, et de 20 grammes 484 centigrammes par jour[2].

Ce genre d’alimentation, qu’il faudrait pouvoir propager sans mesure, coûte malheureusement très cher. On a bien essayé de populariser l’usage de la viande de cheval ; mais la tentative a été nulle, et jusqu’à présent l’hippophagie n’a obtenu que des résultats négatifs. Il ne suffit pas à quelques savans animés d’excellentes intentions de se réunir autour d’une table bien servie, de manger des beefsteacks de cheval aux truffes, des rognons de cheval au vin de Champagne, des langues de cheval à la sauce tomate, de boire de bons vins, de prononcer d’élégans discours, pour vaincre des préjugés enracinés et faire accepter un aliment nouveau. Les gens pauvres savent très bien que les chevaux abattus et destinés à servir de nourriture sont de vieux animaux fatigués, épuisés par un long labeur, par l’âge, et que c’est là un objet de

  1. Autrefois on se contentait d’enterrer ou de jeter à la rivière les viandes insalubres; mais un fait inqualifiable qui s’est passé en 1831 a nécessité l’emploi d’une méthode plus sûre et absolument radicale. En effet, on lit dans un rapport de police en date du 1er avril 1831 et relatif à la foire aux jambons: « Les viandes insalubres jetées à l’eau étaient repêchées immédiatement. On les enfouit dans les réservoirs de Montfaucon, d’où les marchands de vins gargotiers les tirent encore pour les livrer à la consommation. Enfin, avant d’enfouir les viandes saisies, on les coupe par morceaux, et on les enduit d’un lait de chaux afin d’ôter toute possibilité de les reporter dans le commerce. »
  2. Les charcutiers de Paris sont au nombre de 849.