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que c’est que le provisoire en France. Cette mesure durait encore il y a quelques années, et il fallut le décret du 27 février 1858, qui proclamait la liberté de la boucherie, pour la faire disparaître administrativement; mais légalement ce droit appartient toujours aux municipalités, puisque la loi de 1791 n’a pas été abrogée. Les bouchers ont passé, avant d’en arriver là, par le régime de la taxe et par le système des catégories, système compliqué, malaisé à comprendre pour les acheteurs, et dont l’application créait des difficultés sans nombre. En effet, les bouchers excellaient si bien à mêler les catégories ensemble qu’il n’était point facile de s’y reconnaître, et que les plus habiles s’y laissaient prendre. La quantité des étaux était limitée à 500 autrefois; maintenant il n’en est plus ainsi, la liberté est vraiment complète, rien ne peut plus restreindre le nombre des bouchers, et ils vendent la viande à prix débattu. Il y a aujourd’hui dans Paris 1,574 boutiques de bouchers, auxquelles il faut ajouter 268 étaux dans les halles et marchés.

Pour encourager les bouchers de province à profiter des chemins de fer et à envoyer de la viande à Paris, on a ouvert, par ordonnance de police du 3 mai et du 24 août 1849, une vente à la criée pour les viandes directement expédiées par les départemens. Ce marché, qui se tenait d’abord rue des Prouvaires, est devenu assez considérable pour occuper aux halles centrales le pavillon n° 3, qui est divisé en deux parties distinctes, l’une réservée à la vente en gros, et l’autre à la vente au détail. Quoique d’institution fort récente, cette criée a déjà produit des résultats excellens, et elle augmente d’importance tous les jours; en 1858, les transactions s’opéraient sur 10 millions de kilogrammes de viande, et en 1867 ce chiffre avait plus que doublé, puisqu’il s’est élevé à celui de 20,310,308 kilogrammes. Le pavillon spécialement réservé à ce genre de commerce est curieux à visiter. Dès une ou deux heures du matin, les viandes parées, venues des abattoirs ou des débarcadères des chemins de fer, sont apportées, mises en place, accrochées à des chevilles et divisées, selon les propriétaires auxquels elles appartiennent, en un certain nombre de gobets, c’est-à-dire de lots de vente. Quand ce premier travail est achevé, que chaque morceau est numéroté, les inspecteurs de la boucherie commencent leur tournée, et, à l’aide d’un cachet imbibé d’encre bleue, marquent d’un V majuscule chaque pièce jugée saine. Celles qui ont été reconnues insalubres sont mises à part. Toute viande qui conserve encore, malgré une mauvaise apparence, des qualités nutritives, est expédiée pour la nourriture des animaux féroces au Muséum d’histoire naturelle, qui en 1867 en a reçu 94,362 kilogrammes. Le reste est arrosé d’essence de térébenthine et remis à