Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/315

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trois décrets impériaux (9 février, 19 juillet 1810, 24 février 1811) pour mettre fin à cet ordre de choses intolérable. Ces décrets prescrivaient la construction immédiate de cinq abattoirs situés à proximité des quartiers du Roule, de Montmartre, de Popincourt, d’Ivry et de Vaugirard; mais ils ne furent terminés qu’à la fin de 1818. Ils ont disparu en partie aujourd’hui, et doivent tous être remplacés par le grand établissement de la rue de Flandre.

Ainsi qu’au marché, on compte les animaux lorsqu’ils entrent à l’abattoir, en ayant soin de ne les laisser pénétrer qu’un à un par la grille entr’ ouverte. En face de cette grille, au-delà d’une vaste cour pavée, s’étendent trente-deux pavillons séparés en groupes égaux par trois rues perpendiculaires et trois rues transversales qui s’entre-croisent à angle droit; ces pavillons contiennent des bouveries destinées à abriter les animaux et 123 échaudoirs où on les dépèce lorsqu’ils ont été abattus dans la cour intérieure qui s’allonge au centre de ces constructions. Ces échaudoirs et ces cours sont dallés avec soin, et le terrain, disposé en pente, aboutit à une rigole qui se dégorge dans une bouche d’égout; partout il y a des fontaines et de l’eau en abondance. Chaque jour, un millier d’ouvriers bouchers, fondeurs, tripiers, fréquentent l’abattoir, et lui donnent une singulière et sinistre animation. Le travail commence, selon les saisons, de quatre à six heures du matin, et se prolonge jusque vers une heure de l’après-midi. A deux heures, les bouchers viennent faire leurs achats aux chevillards; on appelle ainsi des hommes dont le commerce consiste à acquérir des bestiaux au marché, à les faire abattre et à les vendre, morts et parés, aux marchands détaillans. Tout animal habillé est pendu à une forte cheville en fer, d’où le nom de chevillard. Cent quatre-vingts voitures numérotées, tarées, dont on connaît le poids exact, font le service de l’abattoir aux différens quartiers de la ville. Avant de franchir la grille, elles passent devant le pavillon des employés de l’octroi et s’arrêtent sur une bascule; on pèse ainsi exactement la quantité de viande qu’elles emportent. Les droits, acquittés immédiatement, sont de 011 cent. 0735 par kilogramme; sur cette somme, 2 centimes sont réservés spécialement pour ce que l’on nomme les droits de l’abattoir. Les frais de construction seront ainsi promptement couverts par cette faible surtaxe.

Malgré les anciens abattoirs encore subsistans, c’est celui de la rue de Flandre qui occupe le plus grand nombre d’ouvriers et fournit le plus d’alimens à la consommation de Paris. En 1857, on a abattu 799,448 animaux représentant 49,417,024 kilogrammes de viandes prêtes à être vendues en détail. On travaille tous les jours, mais le vendredi saint, et cela se comprend aisément, amène un surcroît de besogne. Les étaux ne sont plus garnis, puisqu’on fait