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tons : ceux de l’Allemagne viennent de septembre à janvier, ceux du midi, c’est-à-dire de la région située au sud d’Orléans, de mai à septembre, de Maine-et-Loire de juillet à novembre, du nord (Aisne, Oise, Somme, etc.) de janvier à mai, du Berri de mai à septembre, du Soissonnais de février à mai, de la Champagne d’août à décembre, des environs de Paris entre l’époque des récoltes et celle des semailles. C’est ainsi que la bonne et maternelle France se divise la lourde tâche d’alimenter sa capitale. Les départemens expéditeurs les plus importans sont au nombre de trente-deux, parmi lesquels ceux du Calvados, de la Nièvre, de la Sarthe, de Seine-et-Oise, de Maine-et-Loire, font les envois les plus réguliers et les plus importans. Cependant, malgré la richesse de notre sol, il est à croire que nous ne suffisons plus aux besoins de notre subsistance, car voilà l’étranger qui pousse ses troupeaux jusque sur notre marché. À l’aide des chemins de fer, ils arrivent sans trop souffrir, et l’on peut, par des chiffres puisés à des documens authentiques, montrer que l’Europe entière concourt à notre approvisionnement. Pendant l’année 1867, l’Allemagne a expédié à Paris 1,651 bœufs et 101,837 moutons, l’Italie 1,361 bœufs, l’Espagne 191 bœufs et 214 moutons, la Hongrie 4,696 moutons, la Russie 2,511 moutons, la Suisse 1,275 veaux. On ne s’arrêtera point là, car cette année des commissionnaires sont partis pour la Roumanie afin d’aviser au moyen d’amener jusqu’à Paris, sans trop de frais ni trop de déchet, les immenses troupeaux qui paissent là-bas dans les steppes.

Les animaux achetés au marché n’y font point un long séjour, et promptement ils sont conduits à l’abattoir, qui s’étend de l’autre côté du canal de l’Ourcq sur une superficie de 211,672 mètres, et s’ouvre sur la rue de Flandres. Les deux établissemens, reconnus nécessaires par le décret du 6 août 1859, ont été construits simultanément ; l’abattoir a pu être ouvert le 1er  janvier 1867. La dénomination de certaines rues du vieux Paris indique les étapes que les bouchers ont successivement parcourues dans la ville. On retrouve leurs traces dans la Cité par l’église de Saint-Pierre aux Bœufs, qui fut détruite en 1837, puis, près du Châtelet, par Saint-Jacques la Boucherie, par les rues de la Tuerie, de la Tannerie, de la Vieille-Place aux Veaux, surnommée la place aux Saincts-Yons, du nom d’une famille de bouchers célèbre, et par le quai de la Mégisserie. Autrefois on tuait partout, à chaque étal était accolé un abattoir. Malgré différentes tentatives pour rejeter hors des murs ces tueries, dangereuses à tous les points de vue, le vieil esprit de routine avait prédominé, et dans les premières années de ce siècle on égorgeait encore les animaux devant les portes mêmes des boutiques où la viande devait être débitée. Il ne fallut rien moins que