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sont les farines dites des quatre marques, dont chacune représente la marque d’un meunier spécial. On en a, il y a dix ans environ, adopté deux autres, ce qui porte les farines demandées, on peut même dire célèbres, à six marques. Dès qu’une certaine quantité de farine a été déposée dans un magasin, ce dépôt est constaté par un bulletin de récépissé connu sous le nom de filière. Ce bulletin devient dès lors l’objet même de la spéculation; selon que les farines sont en hausse ou en baisse, il acquiert ou perd de la valeur; on le transmet par voie d’endossement comme un billet à ordre, et le dernier signataire, celui qui se fait délivrer la marchandise, acquitte seul le prix originel entre les mains du propriétaire qui a opéré le dépôt. Les filières des six marques portent parfois la signature de plusieurs centaines de personnes qui toutes ont participé à la spéculation avec des chances diverses, mais dont deux seulement ont fait un commerce véritable. On comprend d’après cela combien il est difficile de savoir à la halle aux blés sur quelles quantités de grains les opérations sérieuses ont eu lieu ; mais nous avons pour nous renseigner avec certitude les constatations de l’octroi. En 1867, il est entré à Paris 9,398,348 kilogrammes de blé, et 221,508,557 kilogrammes de farines.

Comme on le voit, le chiffre des farines est bien plus élevé que celui des grains; ce fait s’explique de lui-même. Paris n’a que deux ou trois moulins insignifians, tandis que les départemens ont des minoteries considérables. Ce sont ces dernières qui alimentent la capitale. Six cents meuniers environ, répandus dans trente-six départemens concourent en temps régulier à notre approvisionnement. Le département de Seine-et-Oise compte jusqu’à 250 moulins en rapport avec Paris, Seine-et-Marne 80, Eure-et-Loir 66, puis le nombre va en diminuant jusqu’à la Moselle, la Côte-d’Or, les Bouches-du-Rhône, la Dordogne, qui chacune n’en possèdent qu’un seul. Les farines principalement employées à Paris proviennent des blés de Beauce, de Brie et de Picardie. Les qualités nutritives en sont égales, mais les nuances diffèrent; la première est très blanche, la seconde légèrement rousse, la troisième est d’une couleur intermédiaire entre les deux précédentes. Ces trois types de farines mêlés ensemble arrivent à en former un seul qui sert de base à la fabrication de notre pain. Les boulangers font le mélange eux-mêmes, car ils achètent ces diverses farines en sacs séparés à la halle au blé.

Si le commerce des grains jouit depuis longtemps déjà d’une franchise qui lui a permis de prendre enfin tout son essor, il n’en est pas ainsi du commerce de la boulangerie, qui, tenu pendant bien des années sous le régime d’une réglementation des plus sévères, n’en est pas encore arrivé, quoi qu’on puisse croire, à la li-