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constant, les tenant au courant des prix des marchandises, des besoins exceptionnels, de la probabilité des bénéfices et des pertes. On peut dire que par leur correspondance, par leurs agens, ils rayonnent sur la France entière. Il n’est point indispensable d’être en relations d’affaires avec eux pour avoir recours à leur entremise. Il suffit, par exemple, de jeter dans le premier wagon qui passe un panier de fruits, un morceau de viande, à l’adresse des halles, pour que l’objet y soit apporté, confié à un facteur qui en fera faire la vente, et dans les vingt-quatre heures tiendra compte à l’expéditeur de la somme qu’il aura touchée. On comprend que ceci donne aux transactions une facilité extraordinaire. Tout individu, quel qu’il soit, connu ou inconnu, peut avoir ainsi à des frais singulièrement minimes un représentant de ses intérêts sur l’énorme marché où s’approvisionne la capitale. On a calculé que les halles parisiennes sont alimentées par les envois ou les apports de plus de 6,000 producteurs qui, pour la plupart, sont représentés par les 55 facteurs aujourd’hui en activité. à y a 12 facteurs aux farines, 12 aux graines et grenailles, 3 aux viandes à la criée, 8 à la volaille et au gibier, 3 aux huîtres, 8 à la marée, 1 au poisson d’eau douce, 1 aux fromages, 5 aux beurres et aux œufs, 2 aux fruits et légumes. Leur droit de commission, qui varie selon la marchandise, est en général de 1 pour 300; le plus élevé est de 2 1/2. La confiance dont jouissent les facteurs sur la place de Paris et dans les provinces est extraordinaire; elle est d’ailleurs amplement justifiée par leur probité et par la sûreté absolue des relations qu’on entretient avec eux. En 1848, au moment où les billets de la Banque de France elle-même ne passaient que difficilement, le papier des facteurs de la halle était accepté partout, sans perte, comme espèces métalliques. Il est absolument interdit aux facteurs, sous peine de révocation immédiate, de faire le commerce ou la commission pour leur propre compte. Ils ne sont, ne doivent et ne peuvent être que des intermédiaires. Il était peut-être possible de se passer d’eux autrefois, quand la zone nourricière de Paris s’étendait à vingt lieues au plus; mais maintenant que la Russie nous envoie ses moutons et son gibier, l’Algérie ses légumes, l’Espagne ses oranges, la Hollande, la Suisse, l’Italie, leurs poissons d’eau douce, l’Angleterre sa marée, ils sont indispensables et apportent à l’alimentation publique un secours d’autant plus précieux que les besoins deviennent chaque jour plus nombreux et plus pressans.

C’est un vieil axiome de la police que « tout ce qui entre au corps humain doit être sain et loyal : » aussi le service de l’approvisionnement de Paris comprend-il un certain nombre d’employés spéciaux qui sont chargés d’examiner les denrées mises en vente et offertes au public. La mission de ces agens n’est pas seulement