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Louis et date de 1254. C’est un édit qui enjoint aux habitans riverains des routes suivies par les chasse-marée de toujours tenir le chemin en bon état. Des lettres patentes du 27 février 1556 et du 18 avril 1587 déterminent dans quelle proportion ils doivent être indemnisés de la perte de leurs chevaux ou de leur poisson, lorsque ce dernier s’est gâté en route par suite de causes accidentelles. Sous Louis XIV, on alla plus loin. Les marchands qui, venant de Boulogne, de Calais, de la baie de Somme, se rendaient aux halles de Paris, passaient par le village de Harmes (actuellement Hermès), non loin de Beauvais. Là, le chemin, rongé d’un côté par la rivière de Thérain, côtoyé de l’autre par un cimetière, étant devenu trop étroit, il fallait ralentir la marche des voitures. On ne recula pas devant la nécessité de porter la main sur le séjour des morts. Le grand vicaire de l’évêché de Beauvais rendit le 11 avril 1707 une ordonnance qui autorisait les agens du bailliage à agrandir la route au détriment du cimetière, auquel on enlevait un espace de trente-trois pieds carrés. Le 13 décembre de la même année, les travaux étaient menés à bonne fin, et les chasse-marée pouvaient entrer une heure plus tôt à Paris[1]. Ainsi en fait de nourriture tout manquait, excepté le poisson; mais le poisson coûtait cher et ne figurait que pour une bien faible part dans l’alimentation publique.

Une autre cause augmentait encore le renchérissement et par conséquent la rareté des denrées: c’était la quantité inconcevable d’offices que Louis XIV avait créés pendant les années de misère (1689 à 1715). Il y avait par exemple la charge de toiseur du poisson du roi, celle de hâteur des rôtis royaux. C’était, parmi les vilains enrichis, à qui se jetterait sur ces sinécures honorifiques qu’on payait à beaux deniers comptans et qui flattaient des vanités faciles à satisfaire. Dans les vingt-cinq années qui précédèrent la mort de Louis XIV, il fut créé de cette façon sur les halles et marchés de Paris 2,461 offices qui furent vendus 77,479,526 livres[2]. C’étaient autant d’impôts nouveaux et mal déguisés dont on grevait les subsistances. Grâce à tant de mesures vexatoires, les producteurs et les marchands s’abstenaient de vendre, vivaient sur leurs propres récoltes et désertaient les marchés, où la population parisienne ne trouvait plus de quoi s’approvisionner. Cependant Paris était le centre d’une zone dont le rayon, selon les circonstances et les époques, a varié entre dix et vingt lieues, et dans laquelle il était interdit aux paysans de trafiquer de leurs denrées ailleurs que sur les halles publiques de la capitale. On y tenait sévèrement la main; un arrêt de 1661 défendait aux voituriers, sous menace de

  1. Delamarre, Traité de la Police, t. III, p. 331-333.
  2. Louandre, De l’Alimentation publique sous l’ancienne monarchie, p. 58.