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France donnant à sa parole les garanties de la liberté politique.

Il y a une chose certaine, c’est que la nation consultée, tout en regrettant les événemens de 1865, ne voudrait pas les changer au prix d’une guerre. Elle attache trop de prix au maintien de la paix, et d’ailleurs elle ne se sent pas atteinte au fond dans sa dignité ni dans sa force. Si cette voix de la nation pouvait se manifester librement et intervenir plus qu’elle ne le fait dans les actes du gouvernement, alors la question changerait de face, et l’attitude de l’Europe serait tout autre. — Pourquoi l’Europe reste-t-elle défiante malgré tout? pourquoi la circulaire de M. de Lavalette en 1866, après Sadowa, ne l’a-t-elle pas rassurée? pourquoi les déclarations pacifiques du chef de l’état, maintes fois répétées, pourquoi celles des ministres ne la rassurent-elles pas davantage? Parce que l’on sent qu’il n’y a pas un contre-poids suffisant aux inspirations qui peuvent tout à coup entraîner le gouvernement. L’avenir des affaires est aujourd’hui lié à l’avenir de la liberté. Il y a eu une époque après 1852 où ces deux choses suivaient une voie entièrement divergente. Les affaires se faisaient avec d’autant plus de confiance que la liberté était écartée. Cette situation étrange a duré jusqu’à la guerre d’Italie. Après cette guerre, après l’ébranlement qu’elle a causé en Europe, on a vu tout à coup les dangers du pouvoir personnel, et alors les deux voies divergentes se sont rapprochées : elles se touchent maintenant, et il fallait bien qu’il en fût ainsi, car la liberté politique ne serait pas ce qu’elle est, elle n’aurait qu’une valeur métaphysique, si elle n’était pas la première garantie de la tranquillité et de la prospérité des états. Que l’Europe soit rassurée, qu’elle voie clair dans les destinées de l’avenir, et immédiatement le milliard de la Banque de France trouvera son emploi et cessera d’être un embarras.

En parcourant dernièrement les procès-verbaux de la conférence internationale monétaire qui a eu lieu l’année dernière à propos de l’exposition universelle, nous lisions une note curieuse remise par le délégué américain. Il résultait de cette note que depuis le commencement de ce siècle jusqu’à la fin de 1865 à peu près il avait été frappé aux États-Unis, en France, en Angleterre, pour 15 milliards 465 millions de monnaie d’or, dont près des trois quarts, soit 11 milliards 15 millions ont été frappés depuis la découverte des mines d’or de la Californie et de l’Australie, c’est-à-dire depuis 1851. Ces chiffres au premier abord paraissent effrayans, et on se demande comment le monde a pu absorber une aussi grande quantité de métaux précieux sans qu’il y ait eu trouble dans les rapports commerciaux, sans que l’étalon monétaire ou le signe de la valeur ait été sensiblement déprécié; cependant, pour peu qu’on