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toute l’Europe n’est pas ouverte à l’invasion des métaux précieux. Le papier-monnaie, qui chasse le métal, l’empêche aussi de venir. L’Autriche, l’Italie, la Russie, la Turquie, ne reçoivent rien ou presque rien des métaux précieux de l’Amérique. Les autres pays, comme la Hollande, l’Allemagne, la Belgique, la Suisse, en reçoivent très peu aussi, leur étalon monétaire étant l’argent. Il n’y a donc que l’Angleterre et la France qui servent de débouché à la production des mines d’or. Cet or arrive d’abord à l’Angleterre, qui est le marché le plus important du monde pour toutes choses. Les Anglais eu gardent ce qu’ils peuvent en garder, ce qu’ils sont obligés d’en garder, et ils nous envoient le reste soit en échange de notre monnaie d’argent qu’ils prennent pour l’exporter aux Indes et dans l’extrême Orient, soit en échange d’autres marchandises. C’est pour nous et les Anglais que travaillent les mineurs de la Californie, de l’Australie et du centre de l’Amérique.

Nous disions tout à l’heure que les pays qui ont le cours forcé ne pouvaient rien recevoir des métaux précieux de l’Amérique : non-seulement ils n’en reçoivent rien, mais leur propre circulation métallique s’en va et nous arrive encore. L’or qui se produit dans l’Oural ne fait que passer à Saint-Pétersbourg, et il n’y reste pas. Il va chercher d’autres pays où il séjourne. De même pour l’Autriche; ce malheureux état, depuis tantôt vingt ans qu’il est livré au cours forcé, n’a plus de monnaie métallique. La circulation du papier y descend jusqu’au florin. Quant à l’Italie, nous pouvons nous apercevoir par la circulation en France des pièces d’argent et d’or à l’effigie de Victor-Emmanuel que nous servons aussi de débouché à sa monnaie. D’abord nous sommes le pays avec lequel elle a le plus de relations commerciales, et, comme la balance du commerce lui est rarement favorable, elle a des remises à nous faire en numéraire pour solder la différence entre ses importations et ses exportations. De plus elle est notre débitrice pour les gros emprunts qu’elle a contractés en France. C’est encore en numéraire que tous les six mois elle doit en payer les arrérages. Sa monnaie nous arrivé donc de deux façons : d’abord par la voie des échanges commerciaux, ensuite par celle du règlement de sa dette à l’extérieur, et comme depuis la convention de 1865 elle a le même type monétaire que nous, tant en or qu’en argent, cette monnaie nous vient directement sans transformation aucune, et elle entre dans notre circulation propre. La preuve que l’invasion de la monnaie italienne est bien le résultat de la situation qui lui est faite par le cours forcé, c’est que nous avons la même convention avec la Belgique, la Suisse, la Grèce, et que cependant la monnaie de ces états ne nous arrive pas. On ne la voit figurer qu’accidentelle-