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règne en France et partout en Europe, que l’Angleterre même n’y échappe pas malgré sa position insulaire. Si sa politique n’en subit pas les influences, son commerce les subit. En Angleterre comme en France, l’année 1867 a été mauvaise; elle a donné pour le commerce extérieur une diminution assez forte sur l’année précédente, et les revenus des impôts sont restés sensiblement au-dessous de ce qu’on espérait. Du reste cette solidarité de tous les peuples en présence des fléaux qu’amène la guerre a cela d’heureux qu’elle appelle les efforts de tous pour les conjurer, et c’est la meilleure garantie de la paix. C’est lord Stanley qui l’année dernière est parvenu à écarter le conflit qui pouvait naître de l’incident du grand-duché de Luxembourg; peut-on croire qu’il aurait été aussi zélé dans sa négociation, s’il n’avait pas songé à la prospérité industrielle de son pays. L’Angleterre n’ambitionne plus de conquêtes, au moins en Europe, mais elle recherche de plus en plus des débouchés commerciaux, et, pour les trouver, il lui faut autour d’elle des peuples pacifiques qui emploient leurs ressources à autre chose qu’à faire des armemens. Le jour où l’Europe est troublée sur un point quelconque de son territoire, ce sont les marteaux de Sheffield qui s’arrêtent, ce sont des ateliers qui se ferment à Manchester, à Birmingham; seulement, et c’est là le malheur particulier de notre pays, nous nous ressentons plus qu’aucun autre de tout ce qui agite l’Europe; d’abord parce que notre politique n’y peut pas rester aussi étrangère que celle de l’Angleterre, ensuite parce que chez nous, à cause de nos antécédens révolutionnaires, les difficultés extérieures se compliquent immédiatement de difficultés intérieures. Nous sommes toujours portés à croire que les destinées du gouvernement peuvent être mises en jeu, si les différends tournent mal. C’est là ce qui a imprimé à la crise actuelle en France un caractère de gravité exceptionnelle.

En dehors de la politique, la seconde raison qui a contribué pour une grande part au ralentissement de nos affaires et de celles de l’Angleterre, ce sont les tarifs de douane des États-Unis. Depuis la fin de la guerre de sécession, les Américains n’ont plus eu qu’une pensée, ranimer leur industrie, qui avait fort souffert des ravages de la guerre, et se procurer les ressources nécessaires pour payer les intérêts de la dette énorme qu’ils ont contractée. Pour cela, ils ont imaginé, indépendamment des taxes intérieures qui atteignent presque tous les objets de consommation, des droits de douane excessifs qui touchent à la prohibition. Le Moniteur constatait dernièrement d’après un journal de New-York que, du 1er octobre 1866 au 30 novembre 1867, il était entré dans cette ville pour 268 millions 1/2 de dollars de marchandises étrangères ayant ac-