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I.

Le milliard de la Banque de France a, suivant nous, plusieurs causes : d’abord une singulière inquiétude politique qui paralyse toutes les affaires en France et en Europe, puis les tarifs élevés des États-Unis, qui nous ferment un débouché des plus importans, enfin le cours forcé des billets de banque qui existe dans plusieurs états en Amérique et en Europe, et fait refluer vers nous tous les métaux précieux. À ces causes, on peut ajouter encore le développement des moyens de crédit et notamment l’usage plus répandu des billets au porteur. Il ne viendra sans doute à personne la pensée que, si nous avons à la Banque de France plus de capitaux que nous n’en avons jamais eu à aucune époque, c’est au progrès de la richesse publique que nous le devons, et que nos épargnes ont été plus considérables. Ce serait une grave erreur, la richesse publique ne se mesure pas à l’encaisse des banques. À ce compte, la Banque d’Angleterre, qui n’a jamais en moyenne un niveau d’encaisse aussi élevé que celui de la Banque de France, accuserait un pays moins riche que le nôtre, et c’est le contraire qui est vrai. Quant aux épargnes, on les a vues se produire en plus grande quantité les années même où le capital a été le plus cher. La raison en est bien simple : l’épargne est fille du travail; or plus le travail est actif, plus les épargnes se produisent, et plus le travail est actif, plus le capital est demandé et par conséquent cher. Il n’y a donc pas de corrélation nécessaire entre l’accroissement des encaisses dans les banques et le développement de la richesse publique. Cette corrélation a pu exister autrefois, lorsqu’il n’y avait pas autant de moyens qu’aujourd’hui d’utiliser le capital. Au dernier siècle, la Hollande avait plus de capitaux qu’il ne lui en fallait pour ses besoins, elle n’avait pas régulièrement l’emploi de toutes ses épargnes, et l’argent était à bas prix. Il en était de même encore, il n’y a pas plus de quarante ans, en Angleterre, avant l’expansion qu’a prise son commerce depuis l’inauguration de la liberté des échanges. Cette situation ne se trouve plus nulle part maintenant. Les relations commerciales se sont tellement étendues, l’industrie a pris de tels développemens, qu’on a l’emploi de tous les capitaux, et quand par hasard on les voit s’accumuler dans les caisses des banques, c’est qu’il y a quelque part des raisons tout accidentelles qui amènent ce fait.

Pour être bien convaincu qu’il y a un temps d’arrêt dans l’activité sociale, on n’a qu’à interroger les divers symptômes par lesquels il se manifeste. L’année dernière, le commerce extérieur, importa-