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deux sont des plantes houillères. Deux explications se présentaient : la première, c’est qu’en vertu d’un de ces renversemens si communs dans les Alpes des couches de terrain houiller étaient venues se loger entre deux couches jurassiques ; c’était la plus naturelle. Dans l’autre, on affirmait que quelques-unes des plantes qui ont formé la houille avaient continué à vivre dans les terrains des Alpes jusqu’au commencement de l’époque jurassique, accompagnées d’un grand nombre d’espèces végétales et animales nouvelles ; c’était prétendre que les restes organiques n’ont pas une grande valeur pour la chronologie des terrains. Or, comme ces restes sont à la géologie ce que les médailles sont à l’histoire, c’était dire que sous le règne de Louis XVIII on avait continué à frapper des monnaies à l’effigie de François Ier . C’était admettre pour la localité de Petit-Cœur un fait exceptionnel, unique et en contradiction flagrante avec ce que l’on constate et vérifie sur toute la surface de la terre. De nouvelles déterminations dues à M. Heer portèrent à trente-sept le nombre des plantes de Petit-Cœur identiques à celles du terrain houiller dans les autres pays. Enfin, après des discussions auxquelles ont pris part tous les géologues connus de la France, de la Suisse, de l’Angleterre, de Allemagne et de l’Italie, la couche à plantes houillères de Petit-Cœur a été déclarée carbonifère ; les deux terrains méconnus dans les Alpes par les anciens géologues, le terrain houiller et le trias, y ont été signalés, et les contours en ont été tracés sur toutes les cartes modernes de la Suisse et de la Savoie.

Nous ne pousserons pas cette analyse plus loin, espérant qu’elle donnera une idée suffisante de l’intérêt et de l’importance de l’ouvrage de M Favre. Les monographies d’une contrée faites avec conscience et talent sont les élémens des cartes générales embrassant un pays tout entier. La carte de M. Favre est un des élémens de la carte de France. Terminée en 1840, cette dernière, œuvre de MM. Dufrénoy et Elie de Beaumont, excita, quand elle parut, une admiration légitime ; ce travail immense avait été mené à bonne fin par deux hommes seuls après de nombreux voyages et des recherches multipliées. C’était une magnifique esquisse que le temps devait convertir en un tableau de plus en plus parfait ; malheureusement le tableau est resté à l’état d’ébauche, les nombreuses cartes partielles ou départementales publiées depuis n’ont pas été utilisées. Les couleurs qui distinguent les terrains, les limites qui les séparent, sont restées les mêmes. Vainement M. Graves publiait la carte de l’Oise, MM. Royer et Barotte celle de la Haute-Marne, M. Emilien Dumas celle du Gard, M. d’Archiac celle des Corbières, M. Lory celles de l’Isère, de la Drôme et des Hautes-Alpes, MM. Kœchlin-Schlumberger et Delbos celle du Haut-Rhin, M. Delesse celle de la Seine, M. E. Collomb celle des environs de Paris, M. de Rouville celle des environs de Montpellier ; malgré ces excellentes monographies et beaucoup d’autres que je pourrais nommer, la carte générale qui devrait les résumer a mesure qu’elles paraissent reste immuable depuis vingt-sept ans. Souhaitons, sans l’espérer, que la nouvelle récompense qui lui a été accordée après la dernière exposition universelle engagera l’autour survivant