Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le terrain le plus récent que l’on trouve au-dessous des dépôts glaciaires, c’est la molasse, grès tendre, ordinairement de couleur verte, employé à la construction des maisons de Genève. La molasse des environs de cette ville n’est point d’origine marine, elle s’est déposée au sein des eaux douces. Cette molasse forme le fond du bassin et les petites collines qui s’élèvent dans la plaine.

Pour étudier la partie montagneuse, l’auteur l’a divisée en quinze districts géologiques dont un atlas présente le tableau d’assemblage. Les Salèves forment le second de ces districts. Tous les voyageurs ont remarqué cette montagne qui s’élève à l’occident de la ville et dont Voltaire a dit :

Au pied d’un mont que les ans ont pelé.
Sur le rivage où, roulant sa belle onde,
Le Rhône échappe à sa prison profonde
Et court au loin par la Saône appelé.
On voit briller la cité genevoise[1].

S’élevant brusquement au milieu du bassin du Léman, intermédiaire entre les Alpes et le Jura, participant de l’une et de l’autre chaîne, le Salève a exercé la sagacité d’un grand nombre de géologues. L’escarpement du Salève est tourné vers le Jura, la pente douce regarde les Alpes. Couverte de blocs erratiques provenant du Mont-Blanc, cette chaîne présente des coupures profondes dont les deux principales correspondent aux villages de Monetier et de la Croisette. Des couches de molasse et de grès marin sont relevées à sa base, et la montagne elle-même se compose de couches appartenant à la partie supérieure des terrains jurassiques et à la partie inférieure des terrains crétacés, caractérisés par de nombreux fossiles dont M. Favre donne la description d’après les travaux de M. de Loriol. La façade abrupte de la montagne, qui regarde Genève, comparée aux pentes douces du versant oriental, avait frappé les géologues. La plupart sont d’accord pour considérer le Salève comme une moitié de montagne : l’antre moitié se retrouve dans les éboulemens du pied occidental, ou a disparu sous l’influence des agens destructeurs; mais quelques couches des deux versans se correspondent exactement et permettent de reconstruire l’édifice, dont la partie orientale n’existe plus.

Les voyageurs qui habitent les hôtels des quais du Rhône et du lac remarquent aussi une autre montagne, située vers le nord-est, dont l’aspect attire leur attention. C’est celle des Voirons. Terminée en forme de dos d’âne, couverte de bois, dirigée exactement du nord au sud, elle contraste par sa forme allongée avec la pyramide du Môle. Cette montagne des Voirons est un problème géologique plus difficile encore à résoudre que celui du Salève : elle se compose de couches jurassiques, crétacées et tertiaires qui se correspondent alternativement, et dont la tranche aboutit à la crête horizontale. Une disposition pareille s’explique en supposant des

  1. La Guerre civile de Genève, chant premier.