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tus civiles, sa douceur merveilleuse, sa clémence envers les ennemis vaincus. « En lui, dit-il, tout ce qu’on voyait et tout ce qu’on entendait inspirait un égal respect. Ses manières étaient affables, son esprit populaire, » ce qui veut dire qu’il avait la passion de plaire, l’art d’exciter et de mériter l’amour des hommes. En un mot, il était exactement l’opposé de Tibère. Si Tacite est suspect de partialité, Dion ne le sera pas, Dion, qui n’avait rien de commun avec le parti libéral de l’ancienne Rome, et qui vécut beaucoup plus tard. Voici le portrait qu’il trace de Germanicus dans le cinquante-huitième livre de son Histoire. « Son corps était beau, son âme admirable; son instruction égalait sa force physique. Très vaillant contre l’ennemi, très doux envers les siens[1], il unissait à la puissance d’un césar la modération qui convient aux citoyens les plus faibles. Il évitait tout ce qui pouvait faire de la peine à ceux qu’il gouvernait, ou mériter les soupçons de Tibère, ou exciter l’envie de son fils. Il a été du très petit nombre de ceux qui ne furent point au-dessous de leur fortune et ne se laissèrent point corrompre par elle. Plusieurs fois il aurait pu s’emparer de l’empire du consentement non-seulement du sénat, mais du peuple et des soldats ; il ne le voulut point. »

Dion fait allusion à l’instruction de Germanicus; je puis ajouter quelques détails. D’abord Germanicus était orateur, on le sait moins par les discours que lui prête Tacite et qui sont de Tacite que par un vote solennel du sénat. Après sa mort, les sénateurs voulaient que son image, sculptée sur un grand médaillon, fût placée parmi les images des orateurs célèbres. Le secrétaire de l’empereur Hadrien vante en effet son éloquence remarquable, et rappelle qu’il a continué de plaider même après avoir obtenu le triomphe. Ensuite il était poète; il a traduit en vers ou plutôt il a paraphrasé les Phénomènes d’Aratus. Les vers de cette paraphrase sont bons, élégans, assez peu concis; ce n’est pas une traduction fidèle, c’est plutôt un commentaire rhythmé qui suit idée par idée le poème grec. Germanicus a composé d’autres vers qui ne sont pas tous perdus : on en trouvera quelques fragmens dans le recueil intitulé Carmina familiœ cœsareœ. Suétone assure en outre qu’il avait fait des comédies grecques. Enfin Ovide lui dédie ses Fastes en louant son éloquence et son talent de poète.

Ce jeune homme si complet, d’une culture égale à sa beauté, n’est-il pas naturel de désirer le connaître? Or il a été représenté souvent par les artistes de Rome. Le Louvre possède une statue qui est célèbre et qui a été trouvée en 1792 dans la basilique de Gabies

  1. « Il avait, dit également Suétone, toutes les qualités du corps et de l’esprit, la beauté et la valeur... »