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ticularités qui spécifient les différens modèles, peut se réduire au principe suivant. Une masse d’air enfermée dans un espace clos est chauffée par un foyer jusqu’à 250 degrés par exemple, puis on lui permet de se détendre à cette température en agissant sur un piston. Voilà la première partie de l’opération. Quand l’air a ainsi travaillé, on le refroidit par un procédé quelconque jusqu’à 50 degrés, puis on le comprime de manière à le ramener à son volume primitif et à le faire rentrer dans l’espace qu’il occupait d’abord. Voilà la seconde partie de l’opération. Après avoir passé par ces deux phases, l’air se retrouve comme il était au début de la période, tout prêt à la recommencer. Notons qu’il s’agit de l’air, c’est- à-dire d’un gaz permanent, qui obéit aux lois de Mariotte et de Gay-Lussac, dont la dilatation comme la compression se font sans travail interne, ne sont au contraire l’objet que d’un travail externe[1]. Voyons dès lors ce qui s’est passé dans la période entière que nous venons de considérer. D’abord l’air, étant à 250 degrés, a produit un travail; puis, quand il a été à 50 degrés, on l’a comprimé à l’aide d’un travail qui, nous n’avons pas eu besoin de le dire, a été pris sur la machine elle-même. Ainsi dilatation d’abord, puis compression corrélative; mais pour une température moindre la pression est moindre, c’est la loi de Gay-Lussac : la compression est donc loin de dépenser tout ce qu’a donné la dilatation. En somme, il reste un excédant de travail qui constitue le rendement de la machine. Que s’est-il encore passé pendant que l’air parcourait le cercle fermé que nous avons décrit? L’air est parti à une température de 250 degrés, emportant un certain nombre de calories. Il en a converti un certain nombre en travail. Quant aux autres, il les a transmises aux corps dont on s’est servi pour le refroidir. Ces calories-là sont donc passées d’un corps à 250 degrés sur un corps à 50 degrés, et il n’y a plus aucun moyen de les utiliser pour le jeu même de la machine. Elles ont subi, pour nous servir des termes que nous avons déjà employés, une chute irréparable et définitive. Ce corps à 50 degrés sur lequel nos calories ont passé ne peut plus absolument nous servir à réchauffer notre masse

  1. Quand un corps solide, liquide ou gazeux se dilate sous l’action de la chaleur, la chaleur qu’il reçoit doit produire deux effets. Elle doit triompher des forces intérieures qui empêchent les molécules de s’écarter les unes des autres, c’est le travail interne. Elle doit triompher de la pression extérieure qui s’oppose à l’augmentation de volume, c’est le travail externe. Dans les gaz permanens, c’est-à-dire dans les gaz que nous ne pouvons pas liquéfier, il est reconnu que le premier effet est nul ou du moins si petit qu’il peut être négligé. Il suffit donc de considérer le second. En raison de cette particularité, l’étude des gaz permanens offre des facilités spéciales dans la théorie de la chaleur. On y voit nettement des phénomènes qui sont masqués par la cohésion moléculaire dans les corps solides et liquides ou même dans les vapeurs.