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donnaient des résultats supérieurs à ceux que la théorie permettait de prévoir. C’est donc que la théorie était vicieuse en quelque point, et qu’il fallait la soumettre à un examen plus rigoureux.

C’est ce qu’on fit, et on découvrit alors plusieurs causes d’erreur dans le raisonnement de M. Regnault. On avait fait par mégarde, comme il arrive souvent, des hypothèses tout à fait arbitraires, et l’on raisonnait très juste sur des bases fausses. Nous ne signalerons ici qu’une de ces causes d’erreur. Les valeurs fondamentales assignées par M. Regnault aux chaleurs de vaporisation s’appliquent à des vapeurs saturées. Se servir de ces nombres comme le faisait M. Regnault et comme nous le faisions tout à l’heure avec lui, c’est donc admettre implicitement que la vapeur d’eau, en travaillant dans le corps de pompe, reste constamment saturée. Or c’est là une supposition qu’on avait faite sans aucune preuve et dont il a fallu reconnaître la fausseté. La vapeur, pendant qu’elle travaille dans le corps de pompe et par cela même qu’elle s’y détend en produisant un effort, subit une condensation partielle. Cette particularité a d’abord été signalée par M. Macquorn Rankine, un des principaux ingénieurs de la Grande-Bretagne. Elle a été prouvée depuis par une série d’expériences directes qui l’ont mise au rang des faits élémentaires[1]. Or on voit sans peine comment cette circonstance, négligée dans le raisonnement primitif, en faussait la teneur. La portion de vapeur qui se condense dans le corps de pompe y laisse toute sa chaleur de vaporisation, et on supposait à tort que cette chaleur était versée dans l’atmosphère ou dans le condenseur. En réalité, nous n’avons plus au sortir du corps de pompe une vapeur saturée, nous avons un mélange de vapeur et d’eau liquide, et c’est là une considération qui est de nature à faire estimer plus haut le travail théorique de la machine. Il y aurait encore d’autres considérations au moins aussi importantes à faire valoir dans le même sens. Sans en faire le détail, disons seulement que, si l’on a égard aux données rectificatives de cet ordre, on trouve que le rendement des machines à vapeur (nous parlons toujours du rendement théorique) s’élève,

  1. M. Hirn a attaché son nom à une expérience par laquelle on montre facilement cette condensation partielle que subit la vapeur quand elle se détend en produisant un travail. M. Hirn prend un cylindre de cuivre fermé à ses deux extrémités par deux plaques de verre épaisses, mais très transparentes. Il remplit ce cylindre de vapeur saturée. Si l’on regarde alors à travers les deux plaques, le tube paraît aussi transparent que s’il était rempli d’air ordinaire. On ouvre ensuite un robinet par lequel la vapeur s’échappe en partie dans l’atmosphère. Aussitôt un nuage se forme dans le cylindre, et l’opacité succède à la transparence. La condensation partielle qui accompagne la détente est ainsi rendue visible à l’observateur.