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conception ? Et d’abord prenons-lui son terme de chute de chaleur, qui est commode et expressif; nous n’avons pas à craindre qu’il nous induise en erreur, puisqu’il ne représente plus pour nous que réchauffement d’un corps froid aux dépens d’un corps plus chaud. Ce n’est pas tout. Cette chute de chaleur, dans le jeu de la machine, est un phénomène incontestable, nécessaire. Avant d’entrer dans aucune considération technique et en nous laissant conduire par notre seul instinct, nous sentons très bien que, si notre foyer n’était pas plus chaud que notre condenseur, notre machine ne marcherait pas. Ainsi nous pouvons bien dire que la chute de chaleur n’est pas la cause efficiente du travail en ce sens que le travail produit ne peut être considéré que comme la représentation d’un certain nombre de calories évanouies; cependant cette chute est indispensable à la production du travail. Elle constitue un phénomène latéral, mais nécessairement concomitant. Sur vingt calories, par exemple, que fournira le foyer, deux se convertiront en travail et dix-huit subiront une chute.

Ces indications sommaires suffisent pour que nous puissions dès maintenant énoncer sous une forme grossière le second principe de la thermodynamique; ce sera une première approximation dont nous nous contenterons jusqu’à ce que nous puissions être plus précis. Nous dirons qu’il n’y a pas de travail sans chute de chaleur. L’exposé qui précède montre bien aussi que nous sommes autorisé à donner à cette loi le nom de principe de Carnot. Nous y trouverons l’avantage d’introduire un nom français dans l’histoire d’une découverte dont l’honneur a été surtout revendiqué par les Anglais et les Allemands[1]. Les faits mêmes que nous venons de rapporter servent d’ailleurs à expliquer en partie les incertitudes qui ont longtemps obscurci le second principe. En le faisant remonter jusqu’à Carnot, on voit que son origine était entachée d’une grave erreur. On voit aussi que le second principe, en toute rigueur, était né avant le premier. Carnot, par un trait de génie scientifique, avait inauguré les formes de raisonnement qui n’ont porté que longtemps après leurs fruits définitifs. Le principe de Carnot a dû céder le terrain à celui de Mayer, avec lequel, en raison du malentendu que nous avons signalé, il s’est trouvé momentanément en contradiction. Ce n’est que depuis peu de temps qu’a- mendé et expliqué convenablement il a pu prendre à son tour une place incontestée dans la science.

  1. Il est d’ailleurs nécessaire d’adjoindre au nom de Carnot celui de Clapeyron, son savant commentateur. C’est Clapeyron qui a éclairci les travaux de Carnot et qui les a fécondés en y introduisant les formules analytiques dont on fait encore usage aujourd’hui.