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tioche même n’était plus rien. Aurélien l’avait battue sous les murs de la cité syrienne et l’avait réduite à se renfermer dans Palmyre. La veuve d’Odenath comptait sur les ressources naturelles de sa capitale. Il était inoui qu’on eût pu entretenir une armée nombreuse au milieu des sables dont elle était entourée. Un siège prolongé passait pour une entreprise désespérée, surtout à cause de la difficulté de protéger les convois contre les bandes arabes qui vaguaient dans le désert, et que l’amour du pillage, l’horreur de l’asservissement à l’empire, devaient lancer de toutes parts contre les envahisseurs. C’est aussi ce que comprit Aurélien, qui ne voyait pas sans inquiétude ses troupes arrêtées si longtemps devant Palmyre, et qui pourtant voulait absolument revenir vainqueur.

En conséquence il s’appliqua surtout à neutraliser l’hostilité des Arabes. Quelques bandes furent exterminées ; les autres, le plus grand nombre, furent gagnées à prix d’or. D’ailleurs il est bien probable que Zénobie, avec ses entreprises civilisatrices et sa prédilection pour l’hellénisme, s’était aliéné plus d’un cœur arabe. Les enfans du désert avaient dû se dire que, suzeraineté pour suzeraineté, autant valait celle de l’empereur de Rome, qui était bien loin, que celle de l’impératrice de Palmyre, qui était tout près. En un mot, les Arabes ne donnèrent pas, ou même vinrent grossir les rangs de l’armée romaine. Les Palmyréniens trop confians avaient négligé de se munir de vivres en quantité suffisante ; la famine sévissait dans leurs murs. Aurélien demanda la reddition de la place et de toutes ses richesses, en promettant à Zénobie la vie sauve et aux habitans le maintien de leurs franchises. La fière princesse répondit avec hauteur dans une lettre rédigée, dit-on, par Longin. Cependant la situation ne fut bientôt plus tenable, et elle conçut le hardi projet de s’enfuir pendant la nuit à travers le désert et de gagner la région de l’Euphrate, d’où elle pourrait revenir avec des forces nouvelles et dégager sa capitale. Elle faillit réussir. Elle parvint à franchir les lignes romaines à la faveur des ténèbres ; mais elle fut poursuivie et rejointe au moment où elle allait monter dans une petite barque pour traverser le fleuve. Les Palmyréniens découragés se rendirent. Zénobie, amenée devant son vainqueur, eut un moment de faiblesse, et chargea le rhéteur Longin en l’accusant de lui avoir conseillé cette résistance désespérée. Ce fut lui en effet qu’Aurélien, le regardant comme un traître à l’empire, envoya au supplice. Il mourut avec courage. Les versions varient sur ce que devint Zénobie. Toutes néanmoins sont d’accord pour dire qu’Aurélien lui laissa la vie, ainsi qu’à ses enfans. « Ceux qui me blâment d’avoir triomphé d’une femme, écrivait-il au sénat, ne savent point quelle femme est Zénobie. » Selon les uns, elle se serait