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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juin 1868.

Il y a des momens où la politique se concentre dans certains événemens autour desquels tout converge et se groupe, qui dominent tout et absorbent tout ; il y a d’autres momens où la politique est en quelque sorte disséminée et alanguie, où elle semble se perdre dans mille incidens décousus et insignifians sous lesquels se voile la gravité des choses, où les hommes d’état enfin, les leaders de la diplomatie, ceux que l’impératrice Catherine appelait les « cochers » de l’Europe, se donnent le luxe de se promener et même d’être malades. — Fort bien, se dit-on avec un goût visible de tranquillité, fort bien, la politique est en congé ; le roi de Prusse en est à méditer sur les eaux d’Allemagne qu’il ira prendre, car le bon vieux roi Guillaume ne prend que de bonnes eaux allemandes, et tout au plus irait-il jusqu’en Hollande, si son grand médecin, M. de Bismarck, lui en faisait sentir la nécessité. M. de Bismarck lui-même est malade, et part pour ses terres de Poméranie en attendant peut-être d’aller prendre ses quartiers d’hiver à Cannes entre le ciel bleu et les flots bleus de la Méditerranée. L’empereur des Français est en villégiature sous les ombrages de Fontainebleau, d’où il ira au camp de Chalons, à Plombières ou à Biarritz. Le prince Napoléon se promène dans les parcs de Vienne, et prend des glaces avec M. de Beust, voyant défiler autour de lui la belle et curieuse société viennoise. M. Rouher a besoin de repos, il sent la nécessité de réparer ses forces, épuisées par les combats oratoires, et il n’attend que le moment de partir à son tour. Chacun s’en va de son côté ou se dispose à prendre ses vacances, preuve certaine que rien ne se prépare, qu’il n’y a aucun nuage menaçant à l’horizon, et que nous pouvons nous endormir tranquilles dans une douce et confiante sécurité. — Nous ne demanderions pas mieux que de croire à ces aimables pronostics, à ces signés d’apaisement, et il y aurait sans