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infligé un démenti formel aux pères du IIIe siècle qui avaient condamné Paul de Samosate et Sabellius.

Les adversaires de Paul ne se contentèrent pas de le déclarer déchu de l’épiscopat. Sans consulter le peuple chrétien d’Antioche, ils nommèrent à sa place un certain Domnus dont il n’y a pas autre chose à dire ; puis ils envoyèrent à Alexandrie et à Rome, avec prière de la transmettre aux églises d’Égypte et d’Occident, une lettre circulaire où la réputation du pauvre Paul était plus maltraitée encore que sa doctrine. Ils avaient compté sans le peuple chrétien d’Antioche, qui aimait son évêque malgré tout et qui ne voulut pas entendre parler du successeur qu’on prétendait lui imposer. Fort des sympathies de son troupeau, l’évêque déposé déclara qu’il ne céderait pas et qu’il continuerait de présider l’église d’Antioche. L’autorité des conciles n’était pas alors reconnue comme elle le fut depuis, et quand Domnus vint pour prendre possession de la maison épiscopale, Paul lui signifia qu’il était chez lui et qu’il entendait y rester. Il n’y avait pas encore de bras séculier pour prêter main-forte aux décrets du concile ; pendant plus de deux ans, l’évêque condamné demeura paisiblement sur son siège pastoral et continua ses fonctions.


IV.

La lettre circulaire des évêques réunis à Antioche en 270 est un des plus curieux monumens de l’histoire ecclésiastique. En même temps qu’elle jette une vive lumière sur ce que pouvait être à cette époque la vie d’un évêque au sein d’une des plus grandes cités du monde, elle laisse percer clairement les vues et les tendances de Paul de Samosate, et nous montre avec quelle effrayante complaisance l’odium theologicum pouvait déjà travestir les intentions et les actes les plus louables de ceux dont les croyances déplaisaient. Nous en reproduisons les principaux fragmens d’après Eusèbe, qui les a transcrits dans son Histoire ecclésiastique.


« … Nous avions écrit à beaucoup d’évêques éloignés en les exhortant à se joindre à nous contre la doctrine meurtrière de l’homme que nous vous dénonçons, et notamment aux bienheureux Denys d’Alexandrie et Firmilien de Cappadoce. Le premier a écrit aux chrétiens d’Antioche une lettre dont nous vous envoyons copie, sans honorer même d’un salut le chef de l’erreur et sans lui écrire à lui-même[1]. Firmilien était venu déjà deux fois à Antioche et s’était enquis des doctrines novatrices que nous

  1. Cette lettre de Denys d’Alexandrie n’a pas été conservée. Ce que l’on a publié sous ce nom est apocryphe.