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suprême à ce ministre et lui donna le droit de le présider « quand le gouvernement le jugerait convenable. » Dans les conditions où elle se trouve aujourd’hui, cette cour n’est, à vrai dire, qu’un tribunal ordinaire jugeant de son mieux les débats d’intérêt purement privé, mais ayant peu d’action sur le reste de l’organisation judiciaire. Quant à ces questions fondamentales qui tiennent à l’ordre public, le plus souvent elle n’y a touché que d’une main débile. Elle doit donc renoncer au grand rôle politique et judiciaire à la fois que lui avaient délégué les législateurs de 1789, car, en lui donnant à juger les cas de forfaiture et les crimes d’état, ils avaient entendu l’armer d’une force efficace contre les usurpations et l’instituer gardienne de la liberté.


IV

Après avoir organisé les différentes parties du service public selon les règles posées par la déclaration des droits, la tâche de l’assemblée était loin d’être terminée ; il lui restait à donner à la constitution sa forme définitive, il lui restait surtout à déterminer la force qui serait réservée au pouvoir exécutif. Plusieurs décrets organiques s’étaient formellement expliqués sur ce point, d’autres laissaient à dire. Enregistrer les uns et compléter les autres, telle était l’œuvre difficile confiée au comité qui fut établi au mois de septembre 1790. C’est à cette œuvre de révision que s’attendaient les partis, et c’est là qu’allait éclater un violent choc d’opinions ; c’est là aussi que Mirabeau se préparait à opérer un revirement dans les idées de l’assemblée et à consolider la royauté. Il avait compté sur l’influence de Lafayette pour entrer au comité de révision ; mais il en avait été écarté à son vif désappointement. A la séance du 8 août 1791, Thouret vint exposer la marche que le comité avait suivie dans ses travaux, et résuma le plan de la constitution tel qu’il ressortait de l’ensemble des décrets rendus et du complément qui leur avait été donné. On doit cette justice au comité de révision qu’il resta ferme dans ses vues et dans sa volonté au milieu de l’effroyable lutte dont les premières propositions furent le signal dans la chambre. Thouret et les juristes qui l’entouraient étaient sans illusion sur la durée de l’œuvre qu’ils se sentaient impuissans à terminer selon les conceptions premières de l’assemblée, auxquelles ils avaient la conviction d’être restés fidèles. Ils n’en soutinrent pas moins jusqu’au bout avec une inébranlable fermeté les principes qui les avaient toujours guidés. Faut-il penser, comme on l’a dit, qu’ils n’étaient plus dans le courant de l’opinion, et que le pays était passé de la monarchie à la république ? On peut affirmer que la distance qui sépare ces deux régimes n’était point