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maintien de la loi. Quelle était en définitive la nature de ce tribunal ? La discussion ne laissa subsister sur ce point aucune obscurité. « Fera-t-il partie du pouvoir judiciaire ? Non, fut-il dit, puisque c’est le pouvoir judiciaire qu’on surveille. Sera-ce le pouvoir exécutif ? Non, il deviendrait maître de la loi. Sera-ce enfin un pouvoir différent des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire ? Non, il n’y en a pas quatre dans la constitution. Ce droit de surveillance est donc une dépendance du pouvoir législatif. » Ainsi était caractérisée cette haute juridiction, qui fut donc placée « auprès du corps législatif » par une disposition formelle. Chaque année, elle devait lui présenter, avec le texte des jugemens rendus par elle, une notice sur chaque affaire. Sous la constitution de l’an VIII et jusqu’à l’empire, les membres de la cour furent nommés par le sénat sur une liste de candidats présentés par les électeurs dans chaque département. Ainsi étaient conservées à l’institution son origine populaire et son attache législative. C’est avec cette attache que l’œuvre de l’assemblée constituante est passée en Belgique : le choix des magistrats à la cour de cassation belge est confié à cette cour elle-même et au sénat. La puissante organisation judiciaire de ce pays marche ainsi entre les citoyens et le gouvernement dans une ferme indépendance, et maintient l’équilibre entre les forces respectives des différens pouvoirs. Dominant toute l’organisation de la justice, la cour de cassation veille de haut non-seulement au respect de la loi dans les applications particulières, mais encore à l’observation des grands principes qui soutiennent l’édifice de la constitution. Elle paraît réaliser le vœu de l’assemblée constituante et renfermer assez d’énergie propre pour « contenir tous les pouvoirs constitués et les ramener au but de leur institution. » Par sa fermeté, elle épargne au législateur le soin de revenir sur ses pas et de fortifier par de nouvelles lois celles qu’il a déjà faites ; elle maintient aussi la jurisprudence et l’empêche de sortir du cercle qu’elle franchit nécessairement là où les tribunaux et surtout la cour de révision flottent et passent d’une idée à l’autre. La Belgique n’aspire point à la possession de notre bulletin des lois et de nos recueils, quel qu’en soit en certaines parties l’incontestable mérite ; elle pense, et elle a raison, qu’une bonne loi qu’on observe vaut beaucoup mieux que vingt lois qui se contredisent et enfantent l’obscurité. En cela, elle est encore dans les idées de l’assemblée constituante ; c’est nous qui n’y sommes plus. Depuis l’empire, la cour de cassation est demeurée trop près du pouvoir exécutif, qui en choisit les membres : le fauteuil présidentiel attend toujours le ministre de la justice, et cela suffirait pour attester la déviation que l’institution a subie. Ce fut un sénatus-consulte de l’an X qui ouvrit la porte du tribunal