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qui menaçait l’orbis romanus d’une scission irrévocable. Sans doute, à l’approche d’Aurélien, le parti romain reprit de la force à Antioche. À dater de ce moment, Paul compta un ennemi subtil et ardent au sein du presbytérat de cette ville, le sophiste Malcion, qui enseignait les lettres à la jeunesse syrienne, et qu’il avait probablement fait admettre parmi les presbytres malgré les scrupules que sa profession eût pu inspirer à une piété étroite, en vertu du principe de tolérance qui caractérise tous les actes connus de son épiscopat. Malcion ne se donna pas de repos qu’il n’eût fait tomber l’évêque libéral du piédestal que son éloquence et ses qualités lui avaient élevé. En 270, un concile se réunit encore une fois dans Antioche, et enfin la condamnation si longtemps poursuivie fut obtenue. Malcion avait dressé un acte d’accusation formel contre Paul, le taxant de cupidité, d’orgueil, de relâchement moral, ce qui permettait de le déposer non-seulement comme faux docteur, mais encore comme indigne. Il ne manqua pas non plus de proclamer hautement la théorie du Verbe, à laquelle la majorité épiscopale tenait tant, et de forcer Paul à dérouler pour les besoins de sa défense tout ce que renfermaient ses doctrines. Il arrive souvent dans l’histoire des controverses qu’on obtient ainsi gain de cause devant des esprits qui ne condamneraient pas volontiers le principe. Il suffit de faire ressortir des conséquences auxquelles ces esprits ne sont pas encore préparés. Une chose très curieuse, c’est que le concile qui condamna Paul de Samosate proscrivit précisément la fameuse expression qui, pendant tant de siècles, devait servir d’étendard à l’orthodoxie et écraser l’arianisme, l’expression d’homoousie ou de consubstantialité. Paul, nous l’avons dit, se défendait en répliquant à ses adversaires que, pour être logiques, ils devaient aboutir au sabellianisme, c’est-à-dire nier la personnalité distincte du Fils et ne plus voir en lui qu’un mode, une manière d’être du même Dieu qu’on appelait Père ou Esprit dans d’autres relations. Par conséquent, en condamnant Paul et sa doctrine, il fallait bien marquer en même temps son opposition au sabellianisme. Or Paul et Sabellius étaient d’accord sur ce point, que le Verbe divin n’est pas une personne distincte, ayant conscience et volonté à part. Le Verbe, disaient-ils tous les deux, fait partie de l’essence ou de la substance même de Dieu, il n’en peut pas plus être séparé pour former un être à part que la raison humaine ne peut être séparée l’esprit humain. De là le décret du concile : « le Fils n’est pas consubstantiel ou coessentiel au Père[1], » qui donna par la suite bien des embarras aux défenseurs du dogme de Nicée. Les ariens ne cessèrent de leur reprocher d’avoir, sous ombre de maintenir le dogme traditionnel,

  1. Μὴ εἶναι ὁμοούσιον τὸν Υίὸν τοῦ Θεοῦ τῷ Πατρὶ.