Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 74.djvu/970

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

taire. Un champ plus vaste allait être ouvert aux brillantes qualités dont il avait déjà donné des preuves.

La guerre contre les Afghans vint à propos pour le ramener à des occupations plus militaires. Quoiqu’il eût été rappelé à un emploi actif dans l’artillerie, il n’eut pas la satisfaction de prendre part aux opérations de la campagne ; mais peu après on le chargea de fonctions politiques sur la frontière. Les emplois politiques étaient, on s’en souvient, une épreuve de capacité pour les jeunes officiers de la compagnie en même temps qu’une voie ouverte vers l’avancement rapide et les gros traitemens. Bientôt survinrent les désastres de Caboul. Ces tristes événemens atteignaient Henry Lawrence dans ses affections, car son frère George, qui avait été secrétaire militaire du malheureux ambassadeur sir William Macnaghten, était resté prisonnier d’Akbar-Khan avec le major Pottinger. Cette fois il passait la frontière avec l’armée de secours, sous les ordres du général Pollock. Le contingent sikh, dont il avait le commandement, n’était pas une troupe sur laquelle on pût toujours compter. C’étaient de douteux alliés, prêts à prendre le parti du vainqueur, quel qu’il fût. À la première escarmouche, ils n’eurent rien de plus pressé que de tourner le dos à l’ennemi et de revenir à l’arrière de l’armée, dont ils pillèrent les bagages. À force d’adresse et d’énergie, Henry Lawrence eut le talent de discipliner ces étranges soldats. Le nouveau gouverneur-général, lord Ellenborough, qui venait de succéder à lord Auckland, lui tint compte de ce succès en le nommant résident à la cour du Népaul, fonctions importantes et grassement rétribuées. Au reste, c’était presque une sinécure, car le Népaul s’administrait bien tout seul. À cette époque, M. Kaye, l’auteur des intéressantes biographies que nous analysons ici, venait de fonder un recueil trimestriel, la Calcutta Review, qui devait être consacré à la défense des intérêts anglo-indiens et à la discussion des questions coloniales. Le capitaine Henry Lawrence, comme la plupart de ses collègues dans les fonctions politiques, aimait à prendre la plume dans ses momens de loisirs. D’autres racontaient leurs voyages ; il se plut à élucider les sujets qu’il avait eu le temps d’étudier, tels que l’histoire et l’état social des royaumes natifs qu’il avait vus de près, l’organisation des cipayes, qui lui inspiraient déjà, par une juste prévision, de tristes inquiétudes. Ses écrits sur le Pendjab attirèrent surtout l’attention, si bien qu’au jour où une révolution formidable éclata dans cette contrée il était naturellement désigné pour diriger les affaires politiques à la suite de l’armée qui combattait sur les bords du Sutledj.

Le Pendjab, le pays des cinq rivières, est la belle et grande