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hauts emplois que la compagnie confiait à ses agens politiques vers la fin de leur carrière ? Il n’eut pas le temps du moins de faire ses preuves sur un théâtre plus favorable que l’Afghanistan. Son oncle, sir Henry Pottinger, était en 1843 à la tête de la mission anglaise en Chine. Dans un voyage qu’il fit pour voir ce bienveillant protecteur, il fut pris de la fièvre à Hong-kong et y mourut. La vie d’un soldat a ses chances heureuses ou néfastes. Les uns ont le bonheur de servir en de courtes campagnes sous les yeux d’un général populaire et habile, sont victorieux en peu de temps et à bon marché, et reviennent chargés de récompenses et d’honneurs ; d’autres, qui auront été exposés à des dangers plus graves, se trouvent engagés dans des entreprises stériles et tombent en disgrâce par contre-coup. Eldred Pottinger fut de ces derniers. La triste issue de la guerre contre les Afghans n’avait pas moins déplu à la couronne qu’à la compagnie. On aurait voulu ensevelir dans un même oubli les souvenirs de cette fatale affaire et les noms de ceux qui y avaient pris part. Cependant la mort tragique des nombreux officiers qui tombèrent victimes de l’insurrection en 1841 disait assez que tous avaient fait leur devoir.


III.

On sait déjà qu’il existait en Angleterre des familles pour lesquelles les emplois civils et militaires de la compagnie des Indes formaient en quelque sorte un patrimoine héréditaire. Les Lawrence sont peut-être le plus noble et le plus complet exemple que l’on puisse citer de ces familles anglo-indiennes. Vers la fin du siècle dernier, un jeune homme s’était enrôlé comme volontaire dans les troupes de la compagnie, et y avait acheté une commission de lieutenant. Au fameux siège de Seringapatam, en 1799, il eut le dangereux honneur de commander une des deux colonnes d’assaut ; il y fut grièvement blessé. Marié peu de temps après, il revint dans son pays avec le grade de lieutenant-colonel, tint longtemps garnison à Guernesey, et acheva sa carrière dans des commandemens secondaires. Il eut quatre fils qui passèrent tous au service de la compagnie, où tout homme de valeur, sans richesse ni naissance, avait chance de faire une brillante fortune. Les deux aînés, Alexandre et George, furent officiers de cavalerie. Le troisième, né dans l’Inde, comme les précédens, s’appelait Henry Montgomery ; il fit ses études à l’école d’Addiscombe et fut classé dans l’artillerie. Le plus jeune, John, naquit en Europe ; il fut destiné aux emplois civils, et atteignit par des services éclatans la dignité suprême, qui avait été in-