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gageaient à ne pas troubler la retraite des Anglais. Le major Pottinger, — ce grade lui avait été conféré en récompense de sa conduite au siège de Hérat, — eut la douleur d’apposer sa signature au bas du traité, sachant bien néanmoins que l’ennemi ne l’exécuterait pas avec loyauté. En effet, à peine la marche en arrière fut-elle commencée que de nouveaux désastres survinrent. On était à la fin de décembre. La neige tombait en abondance. Les malheureux Hindous, que rien ne protégeait contre ce froid auquel ils n’étaient pas habitués, se débandèrent et se laissèrent massacrer sans résistance. Enfin Akbar-Khan, le même qui avait tué de sa main Macnaghten, vint interposer son autorité. Il offrit une escorte pour protéger la retraite de l’armée anglaise, mais en exigeant que trois otages lui fussent laissés. Pottinger fut désigné et resta au pouvoir de ce chef, tandis que ses compatriotes se retiraient, humiliés et épuisés, vers la frontière anglo-indienne. Huit ou neuf mois après, une nouvelle armée britannique entrait triomphalement en Afghanistan, sous les ordres du général Pollock, et reprenait possession de Caboul. Cette seconde occupation fut éphémère. Les Anglais s’étaient enfin aperçus qu’ils s’y étaient mal pris avec les Afghans. Une fois l’honneur vengé, ils évacuèrent le pays au plus vite, et Dost-Mohamed, remonté sur le trône, redevint jusqu’à sa mort, survenue il y a peu d’années, le souverain incontesté des provinces au couchant de l’Indus. Ce fut aussi la dernière campagne militaire et diplomatique de Pottinger. Tandis qu’il était aux mains d’Akbar-Khan, il avait su faire preuve de vigueur et de hardiesse ; sans attendre que ses libérateurs fussent arrivés, il avait réussi à reconquérir sa liberté. À son retour dans l’Inde, il eut à comparaître devant un conseil d’enquête pour se justifier d’avoir conclu le triste traité dont il a été question plus haut, simple formalité qui n’eut d’autre résultat que de faire ressortir la belle conduite qu’il avait tenue à cette époque. Le moment était enfin venu pour lui, après six ans passés presque sans interruption au milieu de tribus barbares, de rentrer dans le cercle de la vie civilisée. Les événemens hasardeux auxquels il avait été mêlé lui avaient fait une sorte de célébrité ; au fond, c’était un homme simple et réservé qui se souciait peu d’être mis en relief. Déjà, lorsqu’il avait paru à la cour du gouverneur-général à son retour de Hérat, il avait semblé embarrassé de sa personne au milieu des ovations dont il était l’objet. Il n’avait rien de la fougue chevaleresque que le vulgaire prête volontiers aux héros qui reviennent de loin. L’héroïsme ne se manifestait en lui que sous la forme, assez anglaise d’ailleurs, d’une persévérance indomptable, d’une résistance opiniâtre contre la mauvaise fortune. Avait-il les qualités requises pour tenir avec honneur les