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modérer la dépense ; sir William Macnaghten eut ordre de restreindre les subventions. Pottinger écrivit aussitôt qu’il était dangereux de mécontenter les chefs en leur refusant les pensions auxquelles ils étaient habitués, et déclara qu’il fallait au moins lui envoyer des soldats, si on ne lui envoyait de l’argent. L’envoyé anglais ne pouvait pas satisfaire à la seconde demande plus qu’à la première, car l’état politique du pays devenait menaçant ; l’insurrection dressait la tête de toutes parts, il était nécessaire de concentrer les troupes. À partir de ce moment, la catastrophe se précipite. Le 2 novembre 1841, sir Alexandre Burnes, l’un des adjoints de l’ambassade, qui persistait à demeurer à Caboul au lieu de se retirer au milieu du camp anglais, à peu de distance de la ville, est assassiné par une foule furieuse. Le lendemain, l’orage éclate dans le Kohistan, autour de Pottinger. Son adjoint, le lieutenant Kattray, est tué dans une conférence avec les chefs indigènes. Cerné dans ses retranchemens, blessé lui-même, il voit périr tous les officiers anglais qui commandaient l’escorte, sauf un jeune enseigne, et se résout alors à opérer la retraite sur Caboul à travers le pays insurgé, sans autre protection que ses soldats hindous, qui lui gardent une fidélité inébranlable.

À Caboul, de nouvelles épreuves l’attendaient. À peine avait-il eu le temps de songer à ses blessures, qu’il se trouvait mis à la tête de la mission par la mort de sir William Macnaghten, qui venait d’être assassiné dans un guet-apens, sous prétexte de conférence avec les insurgés. Tous les autres officiers politiques avaient disparu, les uns morts, les autres prisonniers. Bien que les communications avec l’Inde fussent interceptées, des lettres avaient été reçues des agens politiques à Djellalabad et à Peshawer, annonçant que des renforts étaient en marche, qu’il suffisait de tenir pendant quelque temps. Shah-Soujah se mettait en mouvement de son côté et réunissait ses partisans ; mais le général Elphinstone, qui commandait l’armée, était malade : les officiers supérieurs qui l’entouraient, réunis en conseil de guerre, déclarèrent à l’unanimité qu’il était impossible de résister plus longtemps. Eldred Pottinger proposait d’abandonner les bagages et de faire une retraite honorable. Il ne fut pas écouté ; le conseil de guerre lui prescrivit d’entrer en pourparlers avec les révoltés et de consentir aux conditions que ceux-ci exigeraient pour que l’armée pût se retirer sur l’Indus sans être inquiétée.

Ces conditions n’étaient pas très dures, mais de barbares à Européens elles étaient honteuses pour ceux-ci ; il fallait promettre d’évacuer tout le pays et de payer en outre une somme de 20 laks de roupies (5,000,000 de francs), moyennant quoi les Afghans s’en-