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fense. C’était lui qui dirigeait le feu de l’artillerie et qui organisait les sorties de la garnison. Lorsque Shah-Kamran, désespérant de résister plus longtemps, voulut entrer en pourparlers avec le shah de Perse, ce fut encore Pottinger qui se chargea d’aller en parlementaire dans le camp ennemi. Il y rencontra l’un de ses compatriotes, le colonel Stoddart, qui surveillait les événemens. Cette négociation n’eut aucun résultat. Quelques mois se passèrent encore sans que ni l’un ni l’autre parti obtînt un avantage marqué. Dès deux côtés, on se battait mal, on négligeait les opérations de siège pour se livrer au pillage en toute occasion. Il était clair que la lutte ne se terminerait que par l’épuisement de l’un des combattans.

Un peu plus tard, l’ambassadeur anglais en Perse se rendit au camp pour offrir sa médiation, qui fut acceptée. Pottinger eut de nouveau l’occasion de se retrouver avec ses compatriotes ; mais la mauvaise foi ou l’indifférence des parties contendantes ne permit pas encore de s’entendre. Au milieu de ces conférences, les Persans s’efforçaient de détruire la confiance que les habitans de Hérat avaient mise dans l’officier anglais. Ils cherchaient à faire entendre qu’il était abominable d’emprunter le secours d’un infidèle dans une guerre entre vrais croyans, et que d’ailleurs, en laissant les hommes de cette nation prendre un pied dans la ville, il arriverait ce qui était arrivé aux souverains de l’Hindoustan, que le pays entier serait réduit en servitude. Ils ont essayé de même, disaient les envoyés persans, de s’établir au milieu de nous en ayant l’air de vouloir nous donner des conseils et nous offrir de l’argent ; nous nous en sommes débarrassés. Les Afghans eurent le bon esprit de comprendre que l’insistance avec laquelle Mohamed-Shah réclamait l’expulsion de Pottinger prouvait seulement qu’on voyait en lui le plus rude adversaire. Enfin, après dix mois de travaux de siège et de combats inutiles, ce souverain, découragé par des échecs réitérés, inquiété par la présence d’une flotte anglaise dans le Golfe-Persique, se décidait à la retraite.

Ces événemens se passaient au milieu de l’année 1838. Lord Auckland était à la veille de prendre une résolution d’une extrême gravité. N’ayant pas réussi à s’attacher le monarque de Caboul, Dost-Mohamed, par des avances intéressées, il prit le parti de le détrôner au profit d’un ancien compétiteur, Shah-Soujah, qui vivait dans la retraite sur le territoire de la compagnie. Les gens auxquels il faut de petites causes pour expliquer de grands événemens ont prétendu qu’une pareille idée ne serait jamais venue au gouverneur-général de l’Inde s’il était resté à Calcutta, et que l’atmosphère chaude et débilitante du Bengale aurait maintenu lord Auckland, d’un caractère naturellement doux, dans des idées de paix.