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II.

La génération à laquelle appartenait sir John Malcolm avait eu l’avantage, sous lord Wellesley et le marquis de Hastings de jouer le grand jeu, comme on disait, ce qui signifiait se jeter dans les guerres d’aventures et élargir d’une façon démesurée les domaines de la compagnie. La génération qui vint après eut de semblables occasions, mais avec un succès moins constant. Le centre de la péninsule étant à peu près pacifié, les Anglais dirigèrent leurs efforts sur les frontières, surtout au nord-ouest, en partie par esprit d’agrandissement et pour s’assurer la tranquille jouissance de leurs conquêtes antérieures, en partie parce qu’ils redoutaient de ce côté les agressions des autres puissances européennes et surtout de la Russie. C’est à cette période de l’histoire de la compagnie qu’appartient la guerre néfaste de 1840 à 1842 contre les Afghans. Depuis Alexandre le Grand, qui les avait parcourus en général victorieux, les états de l’Asie centrale s’étaient dérobés aux investigations des peuples occidentaux. Aussi les excursions des officiers de la compagnie qui furent les éclaireurs de l’armée anglaise eurent-elles l’attrait de découvertes géographiques. Les intrépides explorateurs qui montrèrent par un nouveau côté ce dont étaient capables les fonctionnaires civils et militaires de l’Inde ont succombé presque tous avant d’avoir quitté le théâtre de leurs exploits. Alexandre Burnes, dont les voyages en Boukharie et en Perse obtinrent des éloges mérités, fut la première victime de l’insurrection de Caboul en 1841. Le colonel Stoddart et le capitaine Conolly, parvenus tous deux à Boukhara par des routes différentes, y furent massacrés en la même année. Le major Eldred Pottinger, dont on va lire les aventures, ne survécut aux désastres de l’expédition anglaise que pour succomber peu de mois après dans une colonie lointaine. L’entreprise de lord Auckland contre les Afghans a donc été funeste à tous égards, et cependant l’audace et la vigueur ne manquèrent pas aux hommes qui étaient chargés d’en assurer l’exécution.

Bien que le mode primitif de recrutement dont John Malcolm est un brillant exemple eût donné parfois à la compagnie des serviteurs d’une valeur incontestable, on avait fini par créer en Angleterre deux écoles spéciales où les candidats aux emplois de l’Inde acquéraient une instruction préparatoire, l’une à Hailebury pour les services civils, l’autre à Addiscombe pour les services militaires. Les jeunes cadets de l’armée anglo-indienne, avant de quitter la mère-patrie, se préparaient par des études sérieuses aux fonctions qui devaient leur être conférées plus tard. Ces écoles n’avaient pas