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au parlement. Rendu à la vie privée, il sut encore se faire remarquer dans les enquêtes et les discussions publiques auxquelles donna lieu la révision de la charte de la compagnie. Les travaux littéraires, auxquels il avait dû quelque réputation en son âge mûr, furent aussi le charme de ses dernières années. Il mourut en 1833, à l’âge de soixante-quatre ans, emportant l’estime et les regrets de tous les hommes qui l’avaient connu.

L’histoire de la compagnie des Indes ne présente pas de caractère plus complet que celui de sir John Malcolm, ni de carrière plus honorablement remplie. Il peut être comparé, sans que sa renommée en soit amoindrie, aux Munro, aux Elphinstone, aux Metcalfe, à tous les serviteurs distingués, ses contemporains, qui ont fait deux fois la conquête de l’Inde, d’abord par les armes, ensuite par la force des idées et la sagesse de leur administration. Nul ne montra plus que lui de la bravoure sur les champs de bataille et de la sagesse dans les conseils. Nul ne sut mieux réagir en lui-même contre l’esprit exclusif que la fréquentation des peuples vaincus et l’exercice du pouvoir absolu inspirent aux administrateurs d’une colonie lointaine. Par ses écrits, par la part qu’il prit en Angleterre à la discussion des grandes questions du jour, il fit preuve d’une variété d’aptitudes avec laquelle on est capable de se tenir plus haut que le second rang et d’une intelligence plus large que ne l’exigeait le cercle de ses fonctions officielles. Bien d’autres fonctionnaires civils ou militaires de la compagnie avaient affermi sur un théâtre plus étendu, par la plume et par la parole, une réputation commencée dans la gestion des affaires de l’Inde ; cependant, depuis Warren Hastings jusqu’à l’époque actuelle, ce fut un principe du cabinet britannique de ne jamais confier à l’un d’eux le gouvernement général de cet immense empire. Peut-être craignait-on que des hommes qui avaient passé leur vie entière en Asie et qui devaient à la compagnie tous leurs grades ne voulussent pas adopter et faire prévaloir les tendances générales de la politique coloniale de la métropole, ou qu’ils ne fussent trop enclins à des guerres de conquête et à des annexions prématurées. Ce sentiment de défiance n’a pas été justifié par les faits, car les grands seigneurs sur lesquels se portait le choix de la couronne puisaient dans leur situation propre une indépendance d’allures que des parvenus n’auraient pas même osé concevoir, et les fautes assez nombreuses qui amenèrent des conflits intempestifs avec les souverains indigènes et conduisirent finalement à la grande révolte de 1857 n’eurent pas d’adversaires plus décidés que les agens politiques de la compagnie, familiarisés par une fréquentation quotidienne avec les sentimens intimes des peuples indiens.