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les ordres du duc de Wellington, dont les succès en Espagne excitaient alors l’enthousiasme. L’heureux général ne put obtenir cette faveur pour son ami. « Entrez au parlement, répondait-il à Malcolm. Quoique je fusse lié d’amitié depuis longtemps avec les hommes qui sont au pouvoir et que l’opinion publique me fût déjà favorable lors de mon retour en Angleterre, je serais resté presque inconnu et je ne serais pas devenu ce que je suis, si je n’étais entré au parlement. Faites comme moi, si vous le pouvez, si vous désirez obtenir de hautes fonctions publiques. » Malcolm n’en fit rien et se contenta d’acquérir quelque réputation littéraire en publiant l’Histoire de la Perse, dont il n’avait cessé de s’occuper depuis son premier voyage en cette contrée ; puis survinrent les événemens de 1814 et de 1815. Il vint à Paris comme curieux à la suite de Wellington, il visita la France, qu’il détestait tant, peut-être sans savoir lui-même pourquoi, et fut accueilli par les savans de notre pays avec la considération à laquelle avait droit un homme familier comme il l’était avec les études orientales. Le repos ne pouvait longtemps lui convenir. Déçu dans l’espérance qu’il avait conçue de trouver en Europe un emploi approprié à ses travaux précédens, inquiet de l’exiguïté de sa fortune, mû par un retour d’ambition, il prit bientôt la détermination de continuer sa carrière sur le terrain où il l’avait commencée. En 1817, après cinq ans d’inactivité, il repartit pour Madras ; sa femme et ses enfans restaient en Angleterre.

Lord Moira, marquis de Hastings, qui était alors gouverneur-général, n’avait pas les talens et les prétentions avides de certains de ses prédécesseurs ; mais c’était un bon général, et c’est pour ce motif qu’il avait été choisi. Les meilleurs élèves de lord Wellesley, encore, imbus de l’esprit entreprenant de leur maître, occupaient les principaux emplois des trois présidences. La vice-royauté de lord Moira ne devait pas être une époque de calme. Au reste, les circonstances étaient graves. Au centre de la péninsule, les états mahrattes formaient une confédération turbulente en proie à l’anarchie, toujours prête à se soulever contre la domination anglaise. Sur les frontières de ces royaumes indigènes vivaient les Pindaries, troupes de cavaliers de fortune et de bandits armés qui menaçaient tour à tour les princes natifs et les territoires de la compagnie. La guerre n’eut d’abord d’autre but que l’extermination de ces corps francs ; mais les états mahrattes s’en mêlèrent, et le conflit prit alors des proportions gigantesques. Le gouverneur-général, qui, par exception, cumulait avec ses pouvoirs civils le commandement supérieur des troupes, se mit à la tête des opérations militaires. Sir John Malcolm, qui connaissait mieux que personne la contrée où les